La figue sèche, considérée depuis des siècles comme l'aliment des pauvres, mais qui est tout de même riche en vertus, demeure presque inabordable, côté prix, dans la wilaya de Béjaïa. Très appréciée par les ménages, la figue est cédée dans les marchés publics et les commerces entre 200 et 500 DA/kg. Ces prix sont pratiqués selon la qualité du fruit. Il faudra vraiment un petit sacrifice aux ménages, ayant des revenus modestes, pour pouvoir goûter à ce fruit succulent. Mais attention à l'arnaque, car des vendeurs peu scrupuleux emballent le fruit, font croire qu'il pèse 1 kg pour vous le vendre entre 200 et 350 DA. A l'ouverture de l'emballage, des fruits de mauvaise qualité dégringolent à votre mauvaise surprise. Il faudra acheter en vrac, c'est beaucoup mieux. Cette année, contrairement aux années précédentes, la récolte de la figue est bonne, ce qui explique sa disponibilité sur les marchés publics. Malgré les incendies qui se sont déclarés durant toute la saison estivale et qui ont ravagé tant de figuiers – en 2009 ce fut un massacre : 7000 figuiers partis en fumée – cet arbre choyé et vénéré par nos aïeux a résisté aux flammes pour donner une récolte bien plus que mitigée. Durant la fête de la figue qui s'est tenue au pays de la figue, Beni Maouche, il est recensé une production record de 5000 q de figue, rien que dans cette commune nichée sur les monts et à vocation agricole. Cela n'ôterait rien au mérite des autres localités connues pour la production de figue de bonne qualité dans la wilaya. Malgré une bonne production de la figue cette année, les prix demeurent presque inaccessibles. Il est vrai que sa culture est très coûteuse, mais cela ne justifie pas aux yeux des ménages les prix exorbitants qui sont pratiqués. Néanmoins, d'aucuns montrent du doigt les maquignons et les spéculateurs qui provoquent la hausse des prix pour amasser plus de profits. Autres temps, autres mœurs, jadis la figue sèche, tout comme l'olive, les figues de Barbarie et bien d'autres fruits du terroir ne se vendaient pas en Kabylie, mais ils sont offerts gracieusement, tellement il y en avait en abondance et chaque famille possédait ses vergers paradisiaques, où sont plantés toutes sortes d'arbres fruitiers poussant dans la région. Aujourd'hui, comme une malédiction des ancêtres, ces fruits sont devenus rares et surtout chers, parce que le travail de la terre, particulièrement l'intérêt pour l'arboriculture, a perdu beaucoup d'espace. Les personnes âgées se souviennent encore de ces jarres en argile, appelées ichevoula, achevali, remplis à ras de figues sèches. Au petit matin, ce ne fut pas le sacro-saint café et croissants qui sont pris au petit-déjeuner, mais quelques figues sèches trempées dans de l'huile d'olive ou dans un mélange de céréales en poudre appelée tizemmit (appellation de la région d'Ath Abbas), que l'on mélangeait à de l'huile d'olive.