Deux poids, deux mesures Les médias ont largement rendu compte de la mort, sous la torture, de plusieurs prisonniers de l'Autorité palestinienne, et du rapport qu' Amnesty International a consacré à ces épouvantables pratiques. En revanche, bien peu ont fait état de la sonnette d'alarme tirée, également par Amnesty International, contre l'association de médecins favorables à la pratique généralisée de la torture des prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes. Et pourtant, ces révélations intervenaient alors même que la Cour suprême d'Israël venait de confirmer la «légalité» du recours aux «pressions physiques modérées» que le Parlement lui-même hésite, depuis deux ans, à autoriser formellement. Voici des extraits du document «oublié», pourtant diffusé depuis la mi-octobre par Amnesty International, expurgé ici du récit même des tortures. «[...] Au cours des années 70 et 80, les forces de défense d'Israël (Tsahal) et le service de sécurité intérieure (Shin Bet) avaient largement recours à la torture des détenus palestiniens, mais ces organes, tout comme le gouvernement israélien, le niaient.» En 1987, deux scandales donnaient à penser que le Shin Bet faisait une déclaration mensongère en niant que les détenus étaient maltraités, ce qui conduisit à l'instauration d'une commission d'enquête sur ses méthodes. La commission, dirigée par Moshe Landau, ancien président de la Cour suprême, «[...] utilisa l'argument légal de «nécessité» pour permettre le recours à des pressions physiques et psychologiques contre les personnes accusées «d'activités terroristes hostiles». Elle cita l'argument de la «bombe à retardement» : le recours à la véritable torture, disait le rapport de la commission, «pourrait être justifié pour découvrir une bombe sur le point d'exploser dans un bâtiment rempli de monde». «Les moyens de pression devraient principalement prendre la forme de pressions psychologiques non violentes exercées lors d'un interrogatoire vigoureux et exhaustif, à l'aide de stratagèmes, y compris de tromperies. Toutefois, lorsque ces moyens n'atteignent pas leur but, des pressions physiques modérées ne peuvent être évitées. Les membres du service de sécurité intérieure qui procèdent aux interrogatoires doivent être guidés par des limites claires en la matière, afin que soit prévenu l'usage excessif de pressions physiques exercées arbitrairement par la personne qui mène l'interrogatoire.» Dans les faits, ces directives se sont traduites par une légalisation de certaines méthodes de torture. Les moyens de pression que la Commission estime acceptables sont décrits dans un «code de directives pour les membres du service de sécurité intérieure chargés des interrogatoires, qui définit, à la lumière des expériences passées, et de façon aussi précise que possible, les limites de ce qui est autorisé et les grandes lignes de ce qui est interdit». Ces directives, secrètes, figurent dans la partie II du rapport de la commission Landau, qui n'a jamais été publiée. Depuis octobre 1994, date à laquelle 22 personnes ont été tuées dans un bus de Tel-Aviv lors d'un attentat-suicide perpétré par le Hamas, le comité ministériel a donné aux responsables des interrogatoires du Shin Bet une «dispense exceptionnelle» pour utiliser une pression physique accrue.