Dans un rapport rendu public hier, l'association de défense des droits de l'homme affirme que les forces de sécurité mauritaniennes ont érigé la torture en système d'enquête et de répression avec le concours parfois de collègues marocains, qui interrogent et torturent les suspects à Nouakchott même. La pratique de la torture en Mauritanie est monnaie courante, selon le dernier rapport d'Amnesty International, élaboré après deux missions effectuées en février-mars puis en juillet 2007. "En Mauritanie, la torture a été érigée en véritable système d'enquête et de répression de l'appareil sécuritaire. Elle est profondément ancrée dans la culture des forces de sécurité qui agissent dans une totale impunité. Elle constitue un fléau cautionné par certaines des plus hautes autorités de l'Etat", lit-on dans le document publié hier sur le site internet de l'association. Ainsi, le gouvernement mauritanien est accusé de pratiquer une torture systématique, et les forces de sécurité ont adopté cette pratique comme méthode d'enquête et de répression. "La torture est utilisée contre toutes les catégories de détenus en Mauritanie, qu'il s'agisse de personnes soupçonnées d'être des islamistes, de soldats accusés de participation à une tentative de coup d'Etat ou de prisonniers de droit commun", a affirmé Gaëtan Mootoo, responsable des recherches sur la Mauritanie à Amnesty International, qui a procédé à des investigations dans le pays. Les sévices recensés comprennent la privation de sommeil, la suspension des détenus à une barre métallique, les décharges électriques, les violences sexuelles ou encore les brûlures de cigarette. Mais ce qui retient le plus l'attention dans ce rapport, c'est la partie qui décrit les méthodes de torture utilisées, en situant précisément certains des centres de torture du pays et révèle la collaboration d'agents marocains. En effet, Amnesty International évoque dans son rapport la question de la présence d'agents marocains en Mauritanie. "Les témoignages que nous avons rassemblés montrent que des agents marocains participent aux interrogatoires et aux tortures en Mauritanie", a ajouté Gaëtan Mootoo. Par ailleurs, un prisonnier a ainsi déclaré à Amnesty International que les agents marocains étaient plus violents que leurs collègues mauritaniens. Dans son témoignage, il dit : "Au bout de la troisième nuit, vers 10 heures du soir, des Marocains sont venus m'interroger. Ils m'ont demandé de reconnaître que je faisais partie du groupe des "salafistes" et que j'étais pour le djihad (...) Ils m'ont dit que si je refusais d'avouer, cela allait me coûter la vie. Ils ont dit que jusqu'à présent, ce que les Mauritaniens m'avaient fait, c'était le paradis par rapport à ce qu'ils allaient me faire (...) Ils ont utilisé les mêmes méthodes, ils m'ont fait le "jaguar". Ils étaient pires que les Mauritaniens. Ces derniers faisaient des pauses parfois et les gardiens mauritaniens vous donnaient de l'eau en cachette. Chez les Marocains, c'était sans répit." Amnesty International ignore le fondement juridique de la présence de membres des forces de sécurité marocaines en Mauritanie. Gaëtan Mootoo a également déclaré qu'"Amnesty International a réuni de nombreux témoignages de victimes de tortures qui ont fourni des informations précises sur leurs tortionnaires, telles que leur nom, leur rang et leurs fonctions". Les lieux où est pratiquée la torture sont : la première compagnie de police située en face du bâtiment de l'Organisation mondiale de la santé, l'école de police de Nouakchot, le siège de l'état-major de l'armée et des locaux de la marine. Quant aux conditions carcérales en elles-mêmes, celles-ci s'apparentent souvent à un traitement cruel, inhumain et dégradant. Quant à la surpopulation des lieux de détention, le rapport indique : "Dans certaines prisons, on ne pouvait même pas entrer dans les cellules tellement il y avait de détenus à l'intérieur, a déclaré Gaëtan Mootoo. La puanteur régnant dans ces cellules infestées de vermine et en particulier de puces était indescriptible." Merzak T.