Résumé de la 75e partie ■ Claire décida de se confesser au père Gourny, c'est pourquoi elle l'invita à passer chez elle. Le jardin donnait sur la place de l'Eglise, petit joyau roman contre lequel s'appuyaient les murs fatigués du presbytère. Protégées par une simple grille, les roses dispensaient aux promeneurs leurs parfums capiteux et leurs couleurs chatoyantes. Les plus belles, celles que l'abbé Plançon avait baptisées ses «belles ténébreuses», étaient d'un rouge cramoisi qui paraissait presque noir. Ce jour-là, le prêtre était sorti dès son réveil faire quelques pas dans le jardin. Les coqs chantaient encore, le boulanger retirait sa première fournée... Saint-Firmin allait connaître une belle et chaude journée d'été. Une fois de plus, le saint homme avait rendu grâces à Dieu qui avait eu la bonté de l'envoyer dans ce pays au climat si favorable à la culture des roses. Vêtu d'un short de grosse toile et d'une simple chemisette, il préparait un bouquet pour l'autel quand une voix de femme l'avait interpellé : — Pardon, monsieur, où se trouve la cure, s'il vous plait ? — Là, devant vous ! Et il avait désigné une petite maison enfouie sous les rosiers grimpants et qu'un mûrier masquait en partie. — Savez-vous si monsieur le curé est chez lui ? — Je suis le curé. L'étonnement s'était peint sur le visage de la femme. — Oh, excusez-moi... Le prêtre avait souri de bon cœur. — Quand je jardine, je revêts rarement les habits de mon sacerdoce ! Que puis-je pour vous ? — Je... je suis votre nouvelle bonne, Claire Verier. Je suis descendue du train à Villefort, d'où j'ai pris le car. N'avez-vous pas reçu une lettre de l'Association des bonnes de curé annonçant mon arrivée pour aujourd'hui ? — Ma foi, non ! Soyez quand même la bienvenue. Entrez dans le jardin. La jeune femme avait poussé la barrière et pénétré dans l'univers parfumé et coloré du prêtre. Elle tenait à la main une valise qu'elle avait posée devant le buisson des «belles ténébreuses». Le prêtre s'était approché, pour voir de plus près celle que la Providence lui envoyait pour remplacer la vieille Ambroisine, morte un mois plus tôt. A la lumière rasante du petit matin, la femme accusait à peine la quarantaine. De fines rides marquaient le coin de ses lèvres, le nez était droit, les narines délicates, la bouche bien formée, la peau mate. Dans la chevelure d'un noir de jais, tirée strictement en arrière, brillaient quelques fils d'argent. Le maintien était distingué. Mais ce qui frappait surtout, c'étaient les yeux. Immenses, d'un noir profond, on pouvait y lire de nombreuses blessures à l'âme. Le curé n'avait pu s'empêcher de comparer la nouvelle venue à l'une de ses «belles ténébreuses». — Je vais aller dire la messe, avait-il expliqué pour rompre le silence. Si vous désirez y assister, vous n'avez qu'à laisser votre valise dans l'entrée du presbytère. Je vous dirai plus tard où vous installer. A suivre