Résumé de la 6e partie ■ Charlotte était sous le choc et à peine son pied eut-il touché le sol qu'elle sentit ses jambes se dérober sous elle. Charlotte l'avait trouvée sur le bord de la route, une année auparavant. Après avoir constaté que l'animal avait subi de mauvais traitements, elle l'avait ramené à la maison et soigné avec des plantes médicinales chinoises. Une fois qu'il fut guéri, elle s'était attendue à le voir déguerpir à la première occasion. Mais contre toute attente, et alors qu'elle était entièrement libre d'aller et venir, la vieille tortue avait préféré rester. — Tu t'occupes de sauver des animaux, avait dit sa grand-mère, alors que tu ferais mieux de songer à avoir des enfants. Charlotte avait ri. — J'ai déjà un très gros bébé sur les bras, grand-mère. Harmony House est mon enfant. Mais le rire de Charlotte sonnait faux. Elle allait bientôt avoir quarante ans. Ses chances de fonder un jour un foyer étaient-elles définitivement révolues ? Elle avait toujours fait passer la firme avant le reste. Il y avait toujours un nouveau médicament qu'elle voulait expérimenter, une innovation technique qu'elle voulait faire adopter par sa grand-mère. C'est ainsi qu'au fil des ans elle avait sans cesse relégué à l'arrière-plan l'idée de fonder une famille. Et voilà qu'à présent elle était confrontée à un nouveau problème : quelqu'un cherchait à couler Harmony. Choisissant promptement un tailleur noir classique afin de se donner l'allure de quelqu'un qui maîtrise la situation, Charlotte avala deux comprimés Harmony à base de principes naturels relaxants. Elle était encore sous le choc de l'accident du garage et avait besoin de recouvrer son calme et son sang-froid avant de se rendre au labo. En passant devant le petit atrium dans lequel elle cultivait des simples et des essences rares, elle sentit un courant d'air froid. Tournant la tête, elle vit que la porte du patio s'était ouverte sous l'effet du vent et s'empressa d'aller la refermer. Tandis qu'elle se frayait rapidement un chemin entre les arbustes délicats, elle sentit quelque chose craquer sous ses pieds. Comprenant soudain de quoi il s'agissait, elle mit instinctivement ses deux mains devant sa bouche en s'écriant «Aii-yah !», comme elle le faisait lorsqu'elle était enfant. C'était le carillon de verre que Jonathan lui avait offert la dernière fois qu'ils s'étaient vus, dix ans auparavant. Pendant dix ans les fragiles anneaux de verre avaient répandu le ki bénéfique dans les maisons successives où elle avait habité, leur tintement délicat, telle une chanson à la fois douce et triste, lui rappelant le seul grand amour qu'elle avait connu, et perdu. Sa grand-mère, qui considérait comme un bienfait ce souvenir chargé de tristesse et de deuil, lui avait dit : — Tu ne pourras plus jamais être complètement heureuse après cela, Charlotte-ah. A suivre