Résumé : Khadidja entend des youyous et accourt chez Taos. Elle apprendra qu'un prétendant se présentera le lendemain pour demander la main de Wassila. La jeune femme est soulagée d'apprendre que la voisine que lorgnait son mari allait quitter les lieux... Cependant, elle reprochera sa joie à Taos... La mauvais œil existe. Elle ne devrait pas l'oublier. Indignée par sa réponse, Khadidja lève les bras au ciel en s'écriant : -Mais tu aurais pu attendre l'arrivée du prétendant et de sa famille... -Non... Je veux tout d'abord partager cette joie avec les voisins et les proches... Ma belle-sœur Halima aura la jaunisse en apprenant la nouvelle... Elle était tellement aux aguets... Ah ! combien j'ai attendu ce jour ! Elle reprend ses youyous, et Khadidja se surprend à envier le bonheur de Wassila... Elle aussi se sentait un peu jalouse de la chance de cette fille, qui avait tapé dans l'œil de son mari, et qui malgré son célibat endurci va épouser quelqu'un de bien. Au fait... Est-il aussi bien qu'elle l'avait présumé et raconté aux voisines ? Elle ne connaissait encore rien de ce prétendant et sa famille... Tout ce qu'elle avait débité était de purs mensonges pour calmer ces curieuses, et démontrer qu'elle n'était pas considérée comme une étrangère dans la famille de Taos, et que cette dernière faisait d'elle sa confidente attitrée. Elle met une main sur son cœur et le sentit battre. Wassila va goûter au bonheur conjugal... Elle n'en doutait pas... La voyante avait vu juste. "Taos me doit une fière chandelle", se dit-elle en sirotant son verre de limonade... "N'est-ce pas grâce à moi qu'elle a pu venir à bout de la longue attente de Wassila ? El-Hadja se trompe rarement... Il faut le reconnaître." Soudain, les avertissements de la voyante résonnèrent à ses oreilles. Elle l'avait mise en garde contre une femme qu'elle devait connaître, et qui menaçait de lui prendre Athmane... Elle se demande s'il ne s'agissait pas précisément de Wassila... Elle avait plusieurs fois surpris des regards entre cette fille et son mari, et puis la semaine dernière, une voisine lui avait avoué qu'elle se trouvait au balcon lorsqu'elle avait surpris ce dernier en train de malmener la jeune femme et de lui reprocher son retour tardif... Est-ce vrai ou est-ce juste des racontars de voisinage, et une façon de sonder l'étendue de sa mésentente avec Athmane, car il n'y a aucun doute là-dessus, tout le voisinage savait qu'entre elle et son mari le courant ne passait plus... Elle sent les larmes lui brûler les yeux, et se lève promptement pour aller déposer son verre dans la cuisine et quitter les lieux. Il faisait nuit lorsque Wassila revint chez elle. Elle avait fait plusieurs magasins pour choisir une tenue. Lyès voulait l'accompagner, mais elle avait refusé. Elle ne voulait pas que quelqu'un les voie ensemble... Non, pas encore... Demain, elle sera officiellement fiancée à lui... Ainsi elle pourra clouer le bec aux curieux et aux envieux. Athmane traverse ses pensées. Depuis une semaine, elle avait su l'éviter, mais jusqu'à quand doit-elle lui cacher la réalité de sa situation ? Khadidja va sûrement lui apprendre la nouvelle... Comment va-t-il réagir... ? Elle appréhendait toujours sa réaction... Il l'aimait... Elle le savait... Mais il n'a jamais voulu rien faire pour elle... Ses promesses depuis trois années n'avaient abouti à rien... Elle ne pouvait l'attendre indéfiniment... Et puis même dans le cas où Athmane serait venu demander sa main, quelle aurait été la réaction de ses parents ? Taos, sa mère, n'aurait sûrement pas apprécié d'apprendre que sa fille sortait avec son propre voisin, déjà marié et père de famille. D'autant plus que Khadidja, sa femme, n'était pas une étrangère pour eux. Elle s'était tant familiarisée avec sa mère qu'on la considérait comme un membre de la famille. Wassila secoue la tête. Tout compte fait, Athmane n'aurait pas pu l'épouser sans faire de dégâts. Elle se rend dans sa chambre les bras chargés, et se laisse tomber sur son lit. Demain sera une journée spéciale pour elle. Elle prend un sac et l'ouvre pour en sortir une jolie robe d'hôtesse. Elle l'avait choisie pour sa couleur pistache et sa broderie en rubans roses. Le vert rehausse son teint. Avec un maquillage discret et une petite coiffure, elle sera très présentable. Pourtant elle avait le cœur serré. La famille de Lyès ne la connaissait pas encore. Hormis Latifa... Cette dernière lui avait fait sentir lors de son précédent passage au salon qu'elle n'était pas du tout d'accord avec le choix de son frère. Elle lui avait lancé un regard méchant, et avait confié à Feriel que c'étaient toujours les grenouilles qui tombaient sur les meilleurs partis. Feriel n'avait pas relevé le sous-entendu, et lui avait rétorqué qu'à chacun son mektoub. Lyès n'avait pourtant rien dit sur la réaction directe de sa mère et de son autre sœur lorsqu'il leur avait appris qu'il allait prendre femme. Il se mariait enfin, et chacun était d'accord là-dessus. (À suivre) Y. H.