Cinéma ■ Najwa Najjar est scénariste et réa-lisatrice palestinienne. Elle a signé Ouyoun El Haramia (Eyes of a thief), une coproduction algéro-palestinienne, dans laquelle elle raconte la société palestinienne. Ce film raconte la société en proie au déchirement : elle est tiraillée entre le désir de vivre pleinement sa vie et ce besoin de changer son quotidien, rythmé par l'occupation israélienne. Inspiré d'une histoire vraie, le film, une fiction, s'intéresse à Tareq (incarné par l'acteur égyptien Khaled Abol Naga), un père qui part à la recherche de la fille qu'il a abandonnée dix ans auparavant. Lors de l'invasion israélienne de 2002, Tareq est blessé puis arrêté. A sa libération, il retourne dans sa maison à Sebastia, croyant retrouver les siens. Mais bien des choses ont changé. Il se rend à Naplouse, à la recherche de sa fille, et rencontre Lila (incarnée par la chanteuse algérienne Souad Massi), qui élève deux enfants, dont une fille, Malak, qu'elle a adoptée. Entre Tareq, ingénieur en hydraulique, et Lila, couturière, c'est le coup de foudre, même si beaucoup de choses les séparent. Interrogée sur le choix de ce casting, Najwa Najjar répond : «Souad est une amie très proche. Elle a la capacité de se mettre debout devant 10 000 personnes et les convaincre. C'est ce que je voulais en fait. Elle dégage un certain esprit, quelque chose de particulier... Elle est dynamique et persuasive. J'ai adoré sa performance.» Najwa Najjar a donc fait jouer Souad Massi pour donner, selon elle, « plus de poésie et de beauté». «Souad Massi a une âme. Elle dégage une aura céleste. Elle a une belle voix, une voix d'ange. Je ne la dirigerai pas. Et en tant que cinéaste, je refuse de diriger les acteurs. Car cela restreint leurs aptitudes de donner le meilleur d'eux-mêmes. Je leur explique la situation, on discute, et après chacun donne libre cours à son personnage», soutient-elle. Notons que le film constitue un brassage culturel, qui est illustré à travers le choix musical et du casting –aux côtés de Souad Massi, Khaled Abou Naga, un acteur égyptien, tient le premier rôle. Celle qui affirme que le travail avec Souad Massi était agréable et magnifique, déclare : «Pour donner à mon film plus de diversité et de consistance, j'ai donc fait jouer Khaled Abou Naga et Souad Massi, qui a d'ailleurs composé trois chansons pour le film. En fait, j'ai utilisé de la musique algérienne, égyptienne, tunisienne, syrienne. Tout cela a été mon choix, et ce désir de faire de mon film un lieu d'expression culturelle éclectique a déterminé le choix artistique de mon travail cinématographique. Je voulais présenter – et représenter – un univers pluriel, mosaïque. Je voulais que la nation arabe soit présente dans le film à travers le chant», argumente-t-elle. Le film a été tourné en Palestine, donc dans les territoires occupés. S'exprimant par ailleurs sur les conditions de travail, Najwa Najjar dit : «Nous avons tourné le film en 25 jours et à chaque fois cela a été un défi, un obstacle à surmonter. La difficulté, toujours la même, est qu'on ne sait pas comment l'occupant réagit sur le terrain. Parfois, on nous laisse travailler et parfois on nous empêche de le faire. Tourner sous l'occupation est un obstacle.» Yacine Idjer Ouyoun El Haramia est une coproduction algéro-palestinienne. A ce propos, Najwa Najjar souligne : «Le fait que l'Algérie finance mon film est un honneur pour moi.» Le film a aussi reçu d'autres financements, des contributions venant de Jordanie, d'Islande, de France, du Qatar et des Emirats. «Tout ce soutien, y compris celui de l'Algérie, qui nous a beaucoup aidés dans notre projet, nous a donné plus de liberté dans la réalisation du film», déclare-t-elle. Notons que Ouyoun El Haramia est en course pour les Oscars 2015. «C'est un honneur pour moi et tout le peuple palestinien. Faire venir aux Etats-Unis et au monde entier un film qui évoque la résistance des Palestiniens est en soi une véritable prouesse, un défi. Car ce genre de fiction n'est généralement pas accepté», dit-elle. Ouyoun El Haramia est «un plaidoyer pour la vie», selon la réalisatrice, et d'expliquer : «Résister à l'occupation n'exclut pas la vie. La résistance se fait aussi à travers l'attachement à la vie. Il y a toujours de l'amour, de la gaieté, de l'espoir.»