Ouyoun El Haramia, de la Palestinienne Najwa Najjar, est en course pour les Oscars du meilleur film étranger. Najwa Najjar, la jeune cinéaste palestinienne, continue de plonger dans les tourments de son pays pour élaborer des films traversés d'une certaine idée humaniste, d'une certaine quête d'espoir. Après El mor oua romane, Najwa Najjar propose Ouyoun El Haramia (Eyes of a thief), long métrage projeté, dimanche soir, à la salle El Mougar en avant-première algérienne, à l'occasion du 5e Festival international du cinéma d'Alger (FICA). La fiction s'appuie sur une histoire vraie sans la reconstituer. En 2002, un sniper palestinien Thamer Hamad, 24 ans, a tué onze soldats israéliens qui étaient postés dans un barrage du côté de la vallée de Ouyoun El Haramia au nord de Ramallah. L'armée israélienne a eu beaucoup de difficultés pour retrouver le sniper — devenu une légende — et le mettre en prison (il a été arrêté deux ans après l'opération et condamné à perpétuité). Tarek Khader (l'Egyptien Khaled Abou Naga) est libéré après dix ans de détention. Il tente de retrouver sa femme Houda, une chrétienne, et sa fille Nour. Il découvre que son épouse, une photographe, est morte. Il part à Naplouse où il se fait embaucher par Adel (le Syrien Suheil Haddad), un entrepreneur au comportement douteux, et où il fait la connaissance des couturières d'un atelier de confection, dont Lila (l'Algérienne Souad Massi), une veuve séduisante et intrigante. Adel veut épouser Lila qui éduque comme elle le peut deux enfants, Malak et Amir. La promesse de Adel est de sauver l'atelier de la faillite. La petite fille Malak, rebelle et courageuse, attire l'attention de Tarek lorsqu'elle entre dans un café bondé d'hommes pour réclamer l'argent au patron. La rencontre Malak-Tarek est quelque peu rapide dans la narration du film où l'on s'attendait à ce que le père continue au moins la recherche de la fille. Une quête qui a été curieusement abandonnée dans la seconde partie du film. Malak ne se rend compte de rien, mais Lila, qui ne sait pas si elle bascule dans l'amour de Tarek ou cède au mariage tactique avec Adel, a des soupçons. Tarek découvre que Adel n'est pas aussi net que cela, et Adel, jaloux, fouine dans le passé du plombier pour le neutraliser. La manière avec laquelle Adel accède avec facilité aux archives de la famille de Tarek n'est pas expliquée dans le film. Najwa Najjar s'est appuyée sur la technique du flash-back pour lier l'histoire bout à bout, comme pour reconstituer une mémoire, mais a trop dévoilé sa narration et est tombé dans une légère déconstruction du récit. Elle arrive malgré tout à restituer des scènes de vie de la société palestinienne post-seconde Intifadah. Dans un café, les hommes ne savent pas s'il faut suivre un match du FC Barcelone ou écouter les nouvelles à la radio sur une action de l'armée israélienne. Des femmes, à la force de l'âge, évoquent autour de Lila le mariage, la quête d'un amour heureux. Des femmes qui dansent et qui chantent. Lila rêve elle aussi de moments doux avec l'âme sœur. C'est en fait tout le dilemme de la société palestinienne, partagée entre le désir de vivre, l'encerclement militaire et la nécessité de garder la dignité. Le film évoque, probablement pour la première fois dans le cinéma palestinien, la question essentielle du partage d'eau (un autre symbole de la vie) et les contraintes économiques. Même s'il sombre parfois dans le discours, Ouyoun El Haramia évacue l'idée politique au profit de la question de l'humain, qui doit être au cœur de tout finalement. Khaled Abou Nagga, dont le père avait servi au sein de l'armée égyptienne à Ghaza en 1956, s'est bien débrouillé dans l'interprétation dans le rôle de Tarek. Souad Massi semblait à l'étroit dans son habit mais a fait des efforts pour incarner le personnage de Lila. Presque obnubilée par ces deux comédiens, Najwa Najjar a insisté sur le plan serré. Elle voulait visiblement tout faire dire à l'expression des visages, au langage des yeux, au non dit. La chute de Adel, celui qui a trahi les siens, a été bien filmée à la manière des anciennes tragédies. Mis à part quelques blancs dans le scénario, la mise en scène de Najwa Najjar est assez réussie. Une cinéaste qui a filmé avec amour les paysages naturels de Palestine et qui a évité les «jérémiades» qui avaient, pour un temps, collé au cinéma palestinien. Les chants de Souad Massi comme Sa aichou raghma daa ou al adaa ka nasri, le célèbre poème de révolte du Tunisien Abou Kacem Chabi, ont donné une petite couleur à un long métrage qui souligne une certaine maturité à un cinéma fait dans des conditions encore difficiles en Territoires palestiniens. Ouyoun el haramia, qui est en course pour les Oscars du meilleur film étranger, est coproduit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et Ustura films. Le film a été soutenu aussi par des producteurs islandais et français ainsi que des fonds émiratis, jordaniens et qataris.