Déperdition ■ Les maîtres-dinandiers se font rares et la dinanderie est menacée. Ce métier séculaire est en voie de disparition, déplorent les artisans. Dans son petit atelier de la Maison de l'artisanat, en haut de Bab El-Oued à Alger, Driss Zolo, qui travaille le cuivre depuis l'âge de 13 ans, est triste : «La dinanderie se perd, un art de vivre est en train de disparaitre.» «Rareté combinée à la cherté de la matière, désintérêt des pouvoirs publics envers ce métier», sont les principales raisons que cet artisan dinandier cite, entre autres, pour expliquer la «décadence», selon lui, du «métier d'artisan dinandier». Avant, dans la Basse-Casbah, «les échoppes de dinandiers étaient collées les unes aux autres, le métier prospérait, les commandes affluaient et toute une économie basée sur le cuivre faisait vivre des centaines de familles ici à Alger et des milliers d'autres dans tous le pays, raconte Driss, qui n'exploite aujourd'hui que «cet atelier, pour répondre à ma clientèle». Fataliste, il laisse tomber : «Le métier n'est plus comme avant. Nous ne sommes plus assez nombreux comme par le passé. D'ailleurs, il ne reste dans ce métier que deux personnes et moi», regrette-t-il. Le travail manuel du cuivre est aujourd'hui «remplacé par les machines, et le manque de moyens a favorisé une telle situation», regrette t-il. «Nous n'avons plus les moyens d'antan, les ouvriers sont partis vers d'autres métiers manuels, alors que la matière première nous coûte les yeux de la tête». Au final, «nous ne pouvons plus prendre en charge la nouvelle génération qui veut vraiment apprendre ce métier noble. Fabriquer des objets de décoration, de cuisine, ou de présentation en cuivre est également le pendant d'un art de vivre de nos parents et de leurs parents», relève t-il. Dans les grandes villes du pays, Alger, Constantine, Annaba, Sétif et presque tous l'ouest algérien, «le F'tour du ramadan ne devait être servi que sur le plateau traditionnel (S'nioua), le thé n'est apprécié que dans une théière, et l'eau fraîche sentant le jasmin ne peut être exquise sans être servie dans un ustensile en cuivre», s'extasie Zolo, en tenant dans ses mains burinées une théière de plus de 150 ans. D'ailleurs, «il y a de fortes probabilités que le métier disparaisse dans moins de 10 ans faute de relève», constate-t-il amèrement. Fils et petit fils de dinandiers, natif de la Casbah puis installé à Montplaisant, sur les hauteurs de Bab El-Oued, il a formé plusieurs dizaines d'ouvriers à ce métier, qui était en vogue dans les années 1960-1970. Pourtant, le rétrécissement du marché, envahi par les produits industriels à usage domestique, utilisés notamment dans la décoration, le design ou la cuisine a eu raison de ce métier, lâche t-il, tout autant que «le manque d'aide et de soutien des pouvoirs publics pour un métier à la base de l'art de vivre dans les anciennes médinas du Maghreb». Encore plus dramatique pour ce métier, la disparition des touristes, qui faisaient marcher jusque dans les années 1990 ce métier avec une forte demande. «Il nous arrivait à cette époque d'exporter certains de nos produits vers l'étranger, en particulier pour la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis», se souvient cet artisan, occupé à ciseler un plateau en cuivre. Autour de lui, sur des présentoirs, sont disposées des plateaux, des théières, des bougeoirs et de grandes «S'niouates», qui attendent preneurs. Considéré actuellement comme l'un des derniers maîtres dinandiers algériens, Driss Zolo a représenté l'Algérie dans plusieurs foires culturelles et artisanales.