Interrogation ■ Jamais la question de la suppression des subventions ne s'est posée d'une manière aussi franche et claire. Jusqu'à un passé récent, les responsables politiques osaient à peine l'évoquer. Mais avec la chute des prix du pétrole, le gouvernement ne pourra plus dissimuler une réalité à peine supportable par le Trésor public. La charge financière de toutes les subventions instaurées depuis plus de 40 ans devient de plus en plus lourde à assumer par les autorités. A demi-mot, certains ont tout de même brisé le tabou, confirmant les analyses des experts, qui ne cessent d'appeler à l'établissement d'un fichier national des personnes nécessiteuses. Mais l'application d'un tel dispositif pourrait provoquer l'effet contraire et faire surgir d'autres problèmes beaucoup plus complexes. Il faut dire que le revenu moyen des Algériens placerait plus de la moitié d'entre eux dans la catégorie des pauvres. Ces derniers mériteraient tous, par conséquent, de figurer dans ce fichier s'il venait à être créé, à moins d'être rémunérés à 150 000 dinars, taux fixé par les experts pour pouvoir se passer des subventions des produits de première nécessité. Les associations de consommateurs parlent pour leur part d'un seuil salarial de pas moins de 80 000 dinars, subventions comprises. Tout compte fait, la nouvelle donne du marché pétrolier mondial poussera l'Algérie à penser sérieusement à de nouvelles pistes à même de répondre aux conséquences d'une éventuelle suppression des subventions et à la crise économique qui pourrait durer jusqu'à 2020. Parmi elles, la rationalisation de la dépense publique en faisant payer le prix réel du pain, du sucre, du lait, de la semoule et du carburant aux catégories les plus aisées de la société et réserver l'intervention des pouvoirs publics aux plus démunis. Il est également question du financement de l'économie par le marché, la rationalisation des importations, ainsi qu'un meilleur encadrement du marché en libérant la concurrence qui devrait jouer son plein rôle. Le gouvernement envisage dans ce cadre aussi d'adopter une nouvelle politique pour le financement du service public afin de ne pas alourdir davantage la charge financière du Trésor public dans un contexte de baisse des cours pétroliers. Ce dispositif devrait mettre un terme à la mauvaise gestion économique, la tendance au gaspillage et autres comportements paternalistes des pouvoirs publics en direction de la société. Mais aussi protéger les catégories fragiles du labyrinthe du libéralisme souvent sans éthique. Ceci pour dire que la suppression des subventions sans une stratégie efficace de protection de certaines couches sociales pourrait conduire la société à un appauvrissement généralisé, voire à des émeutes. Pour l'heure, les autorités, qui comptent débourser en 2015 quelque 60 milliards de dollars en subventions, cherchent à faire bonne figure auprès d'une société civile déjà laminée par une inflation constante des produits de large consommation. Mais une paix sociale requiert une politique économique de développement durable basée sur la justice et le respect de la dignité de chaque citoyen. Pour cela, l'Etat doit veiller à ce que tous les paramètres sociaux soient compatibles avec sa nouvelle démarche d'austérité et probablement de la disparition des subventions.