Sonatrach fait vivre la majorité de la société algérienne : 98% d'exportation, l'importation de 70-75% des besoins des entreprises publiques-privées ainsi que les besoins des ménages et l'importance de la dépense publique estimée entre 2004 et 2014 à plus de 500 milliards de dollars dont une grande fraction en devises. Grâce à l'aisance financière générée par les hydrocarbures, le gouvernement, au nom de la paix sociale, généralise les subventions, objet de cette présente contribution, sujet rarement abordé alors qu'il constitue une donnée stratégique pour l'avenir du pays. L'Etat algérien généralise les subventions L'Etat algérien dépense sans compter, subventionne un grand nombre de produits de première nécessité comme les céréales, l'eau et le lait, l'électricité et le carburant. En Algérie, de celui qui gagne le SNMG au chef d'entreprise national ou étranger, bénéficient des prix subventionnés, pas de système ciblé de subventions. Dans son rapport en date du 18 avril 2012, la Banque mondiale fait remarquer qu'en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions, recommandant que les programmes d'aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables à y faire face. Pour l'Algérie, la même institution note pour 2010/2011 que les montants des subventions sous forme de comptes spéciaux du Trésor, recensant sous différentes appellations 14 fonds, alloués au soutien de services productifs, à l'accès à l'habitat et aux activités économiques sont successivement de 40,83, 520,11 et 581,78 milliards de dinars, soit un total d'environ 1 143 milliards de dinars (équivalent à 16 milliards de dollars), représentant 14% du total des dépenses de l'Etat en dehors des dépenses de fonctionnement. Pour la BM, 277 milliards de dinars (pour les autorités algériennes, le montant est de 300) ont été réservés aux produits de large consommation (blé, lait en poudre, etc), soit l'équivalent du quart des subventions accordées au budget d'équipement. À cela s'ajoutent les assainissements répétés aux entreprises publiques qui ont coûté au Trésor public plus de 50 milliards de dollars entre 1971 et 2011, les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d'investissement (Andi Ansej) y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages à coup de dizaines de milliards de dinars. Pour 2012-2013, le pouvoir algérien ne voulant pas de remous sociaux jusqu'aux élections présidentielles d'avril 2014, les subventions seront encore un tampon pour juguler la hausse des prix internationaux, avec ce retour à l'inflation qui selon l'ONS dans son enquête du 4 septembre 2012, l'indice des prix, en tendance devrait clôturer à 6-7% en 2012. En dehors des subventions, le taux d'inflation réel dépasserait largement 10%. Ainsi, les différentes lois de finances 2008-2013 proposent des mesures qui ont pour finalité de pérenniser la politique de l'Etat en matière de subvention des prix des produits de large consommation. Pour l'ex-secrétaire d'Etat à la Statistique, dans une interview courant 2011 cité par l'APS, je le cite : “Bien qu'exceptionnellement important, ce montant de près de 15-16 milliards de dollars de transferts sociaux par an, soit 10% du PIB, est d'un impact peu perceptible au niveau de la population. Il n'est peut-être pas juste que tout le monde puisse bénéficier de certaines subventions, quelle que soit leur situation financière". Outre cette disparité dans l'octroi du soutien de l'Etat, il fait remarquer à juste titre l'opacité dans la gestion de ces programmes qui sont passés de 245 millions de dinars en 1999 pour dépasser les 1 200 milliards de dinars en 2011 (1 400 pour 2012) sans qu'aucune date limite ne soit instaurée. Ainsi, se pose le problème de l'efficacité de toutes ces subventions sur le producteur local et sur le consommateur final, avec le processus inflationniste bien que compressé artificiellement par les subventions, du programme de relance économique basé sur la dépense publique donnant des taux artificiels de taux de croissance, de taux de chômage, qui nécessiteront environ 500 milliards de dollars entre 2004/2014, - 130 milliards de dollars des 286 milliards de dollars prévus entre 2010-2014 étant des restes à réaliser des projets non terminés entre 2004-2009. Les surcoûts avec parfois des abandons de projets, sont exorbitants, estimés entre 20 à 30% pour certains projets, étant des subventions indirectes supportées par le Trésor. Comme est posée l'efficacité du Programme national du développement agricole (PNDA) qui a nécessité des dizaines de milliards de dollars, (aucun bilan à ce jour) et de l'effacement de la dette des agriculteurs pour 41 milliards de DA, sur la production et la productivité agricole de l'Algérie. Examinons quelques cas. Les subventions du prix du pain, de la semoule et du lait Bon nombre d'Algériens vivent dans la pauvreté se nourrissant essentiellement de pain et de lait, ce qui traduit une fracture sociale qui ne cesse de s'aggraver. Malgré l'importation massive entre 2010-2012, afin de stabiliser, de dizaines de tonnes de viande rouge fraîche, de viande congelée, de viande blanche, le prix sur le marché n'a pas sensiblement baissé, et le contrôle à l'aval uniquement sur les détaillants s'est avéré un échec, les circuits internes étant dominés par les monopoleurs de la sphère informelle, produit de la bureaucratie et de l'Etat de non-droit, contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments des produits de première nécessité. Selon les chiffres officiels communiqués par le ministère de la Solidarité, près d'un million et demi de familles ont eu recours au “couffin du Ramadhan" pour un montant de 5 milliards de dinars en 2012. En prenant la moyenne que chaque foyer est constitué de six membres, cela donne 9 millions de personnes en situation de précarité. Le prix du pain étant subventionné depuis 1996, sans subventions, le prix de la baguette actuellement à 8,50-10 dinars – officiel – dépasserait 25 DA. Le soutien des prix des blés et du lait enregistre une incidence financière de l'ordre de 177 milliards de dinars, alors que celle de l'huile alimentaire est estimée à 5 milliards de dinars. Les subventions octroyées coûtent au Trésor public un différentiel qui reste mobile en fonction des fluctuations du prix d'achat de la matière première sur les marchés mondiaux. Toutefois, le Trésor public paie ce différentiel, quel que soit son niveau. D'une manière générale, le différentiel pris en charge par l'Etat pour ces produits coûte entre 2,5 et 3 milliards de dollars par an, ce qui représente entre 3 à 5% de la rente pétrolière par an entre 2009-2012, selon l'évolution du vecteur prix international. Pour des subventions ciblées Les subventions généralisées faussent l'allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d'avoir une transparence des comptes, faussent les normes de gestion élémentaires et les prévisions tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissant au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Elles découragent, non ciblées, la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays. Comme se pose cette question stratégique : qu'en sera-t-il avec après les trois années de dégrèvement tarifaire avec l'Europe à l'horizon 2020 et son éventuelle adhésion à l'OMC où les produits énergétiques sont également concernés notamment par la suppression de la dualité du prix du gaz ? Se pose cette question stratégique pour l'Algérie : peut-elle continuer à fonctionner sur la base de 70 dollars pour le budget de fonctionnement et 40-45 dollars pour le budget d'équipement constitué en majorité des infrastructures avec des surcoûts exorbitants qui ne sont qu'un moyen de développement, la véritable richesse ne provenant que des entreprises concurrentielles, L'Etat pourrait ne pas avoir les moyens de continuer à subventionner certains produits alimentaires au cas où le baril descendrait en dessous de 80 dollars. L'instauration d'une chambre nationale de compensation indépendante, permettant des subventions ciblées, par un système de péréquation, suppose un Etat régulateur fort, mais fort par sa moralité, des compétences, la ressource humaine, richesse pérenne et la démocratisation des décisions. Cela implique, forcément, un réaménagement profond de la logique du pouvoir algérien reposant sur les forces sociales réformistes, le pouvoir actuel étant actuellement assis sur les couches rentières tissant des relations dialectiques avec la sphère informelle spéculative, dépensant sans compter pour une paix sociale fictive grâce aux hydrocarbures qui s'épuiseront dans 20 à 30 ans au moment où la population algérienne sera d'environ 50 millions d'habitants. En 2012, au moment où les pouvoirs publics s'enorgueillissent des 193 milliards de dollars de réserves de changes au 1er septembre 2012, dont 86% placées à l'étranger y compris les DTS au FMI à un taux d'intérêt presque nul corrigé par l'inflation mondiale, dépassera-t-on le statu quo actuel suicidaire et changera-t-on de politique économique entre-temps, pour l'émergence d'une économie hors hydrocarbures, et ce, pour le bien-être de l'Algérie et des générations futures, mettant fin au cancer de l'économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subventions généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives ? Face à la concentration excessive du revenu national au profit d‘une minorité rentière, renforçant le sentiment d'une profonde injustice sociale, l'austérité n'étant pas partagée, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, reflet du divorce Etat-citoyens, quitte à conduire l'Algérie au suicide collectif. Professeur Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique