À l'extrémité nord-est de la wilaya de Sétif, non loin du barrage d'Erraguène, dans la wilaya voisine de Jijel, et à moins de 20 km de la côte méditerranéene, la ville de Babor se dresse telle une île émergeant d'un océan de montagnes. Particulièrement meurtrie durant la décennie noire (1990), cette ville, (une des plus riches réserves naturelles de la planète), caractérisée par la beauté sauvage de ses paysages, a décidé de vivre et veut batailler pour ne pas se faire distancer par le train du développement... Ce chef-lieu de daïra situé à une cinquantaine de km au nord de Sétif, semble batailler pour ne pas se faire distancer par le train du développement. Ses habitants, au caractère affirmé, mais si accueillants et tellement attachants, se fâcheraient presque lorsqu'ils s'entendent dire que Babor donne à ses visiteurs l'impression de somnoler, surtout en ces jours d'hiver qui recouvrent épisodiquement la région d'un manteau immaculé. C'est, en fait, une fausse perception, car les habitants de cette agglomération de près de 30 000 habitants, sévèrement (et c'est peu dire) affectée par la décennie noire qui avait provoqué son isolement, ont aujourd'hui soif de vivre. Mourad R., 46 ans, technicien en bâtiment, se souvient de ce qu'il nomme le «cauchemar» des années 1990. «Babor, avant même que le soir ne tombe, devenait ville morte, les gens se muraient chez eux et ce n'étaient pas les coups de feu résonnant au loin qui les incitaient à sortir», raconte-t-il. Il se rappelle aussi du départ de nombreux habitants de la région vers des cieux «plus cléments», fuyant le terrorisme. «Les attentats, les enlèvements et les actions de sabotage étaient suivis d'offensives des forces de sécurité combinées, à tel point qu'il n'y avait pas, pour ainsi dire, de répit. Même l'unique centre de formation professionnelle a dû être transformé en unité de paras pour protéger la région», souligne cet homme avant de soutenir que beaucoup, en revanche, ont décidé de rester pour aider, en tant que patriotes armés, les services de sécurité à venir à bout des criminels qui écumaient toute la zone, jusqu'à Jijel. «Petit à petit, les coups portés aux terroristes ont fini par donner leurs fruits avant que la paix et la sérénité ne soient définitivement rétablies, selon Mourad, qui indique se sentir «revivre» lorsqu'il voit ses deux enfants se rendre chaque matin à l'école sans aucune crainte. C'est au moment même où la région s'apprêtait à profiter de son nouveau statut de daïra pour se construire davantage et rehausser son niveau de développement que la folie meurtrière surgit. Des groupes terroristes, par dizaines, attirés par la topographie de la région, les denses forêts et les nombreuses caches aménagées par la nature, écumèrent la région jusque dans la wilaya voisine de Jijel, multipliant les attentats, assassinats et les embuscades. Les Patriotes, qui prirent les armes pour défendre leurs terres, les gardes communaux et les forces de l'ANP qui prirent position, à cette époque (années 1990) dans les locaux du centre de formation professionnelle, réussirent, dans des conditions pourtant très rudes, à porter de sévères coups aux terroristes. Ceux-ci, bien que souvent aux abois, conservèrent leur capacité de nuisance et, près de dix années durant, la peur, les cris et les larmes s'installèrent, mais sans jamais ôter l'espoir aux habitants de la ville de Babor et de ses alentours, convaincus que le jour finira bien par succéder à la nuit.