Marine Le Pen conforte l'ancrage du Front national en en faisant une norme incontournable du paysage politique français L'arrivée du parti Front national en tête du premier scrutin depuis les attentats de Paris confirme la vigueur de l'extrême droite en France, menaçante notamment pour le parti UMP de Nicolas Sarkozy divisé. «Ceux qui pensaient que le Front national serait assurément le grand perdant des sanglantes tragédies de janvier tombent de haut. Le parti de Marine Le Pen est là et bien là. Lui devant, les autres derrière», résumait hier le journal conservateur Le Figaro. Le FN n'a pas pâti de son positionnement erratique après les attaques jihadistes qui ont fait 17 morts du mois dernier. A l'écart des grandes manifestations d'unité nationale du 11 janvier, Mme Le Pen avait défilé en province contre «la menace islamiste». Sa candidate aborde en pole position le second tour le 8 février d'une législative organisée dimanche dans le Doubs (est) pour désigner le successeur à l'Assemblée nationale de l'ancien ministre socialiste de l'Economie Pierre Moscovici, devenu commissaire européen. Forte de 35% des voix à l'issue du premier tour, elle affrontera le candidat du parti socialiste (PS) au pouvoir, devancé de quatre points dans une région industrielle où le fort taux de chômage, boulet du gouvernement, offre un terreau favorable à l'extrême droite. Eliminée, l'UMP, dirigée depuis l'automne par l'ancien président Nicolas Sarkozy (2007-2012), doit arrêter aujourd'hui sa position. Dès hier, ses dirigeants se déchiraient entre tenants d'une ligne «ni PS, ni FN» et partisans d'un front républicain. «Je ne renvoie pas dos à dos le Parti socialiste et le Front national (...) Le Front national défigurerait la France», a déclaré la vice-présidente et numéro deux de l'UMP, Nathalie Kosciuzko-Morizet, favorable au second scénario. Pas question «d'appeler à voter pour la gauche», a rétorqué le numéro trois du parti, le secrétaire général Laurent Wauquiez, campé sur une ligne de droite dure et défenseur d'un «vote blanc». Ces deux responsables symbolisent le choix cornélien auquel se retrouve confronté M.Sarkozy: appeler à contrer l'extrême droite, au risque de heurter une base de plus en plus attirée par le FN, ou ne pas choisir et s'exposer au reproche d'enterrer les derniers vestiges de l'union nationale née des attentats de janvier. L'ex-chef de l'Etat ambitionne de reconquérir le pouvoir à la présidentielle de 2017 mais il peine à s'imposer depuis qu'il a repris les rênes de l'UMP fin novembre. Son retour «n'a pas empêché les progrès du FN» et «le plus grave, c'est qu'il n'arrive pas à faire parler le parti d'une seule voix», souligne un de ses anciens ministres. A gauche, le numéro un du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a appelé «officiellement» hier l'UMP à soutenir le candidat socialiste dans une mobilisation «de tous les partis républicains», à laquelle se sont déjà ralliés les centristes, les écologistes et l'extrême gauche. «Face à un parti xénophobe qui joue sur la peur, chacun doit prendre ses responsabilités», a renchéri le président socialiste de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone. Le Front national s'affichait confiant hier dans ses chances de décrocher à l'issue du scrutin un troisième siège de député. «Une grande majorité des électeurs de l'UMP se reportera sur la candidate FN», a prédit Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen et vice-président du parti. La législative du Doubs revêt un caractère symbolique à plus d'un titre. Pour le pouvoir socialiste, la qualification du candidat socialiste pour le second tour semble confirmer le regain de popularité dont bénéficient M. Hollande et son Premier ministre Manuel Valls depuis les attentats de Paris. Mais le score du FN conforte aussi un sondage réalisé la semaine passée au niveau national, qui place de nouveau Mme Le Pen en tête des intentions de vote au premier tour de la prochaine présidentielle. Il renforce aussi les espoirs de l'extrême droite de poursuivre son ancrage lors des élections départementales de mars, après la percée qui a permis l'an dernier au parti de gagner 11 villes aux municipales, 25 sièges aux européennes et de faire son entrée au Sénat.