La majorité de gauche a subi avant-hier la sanction annoncée au second tour des municipales sans avoir pu contenir la vague de l'UMP et de ses alliés centristes, de même que la percée du Front national, rendant probable un remaniement gouvernemental. Selon des résultats provisoires communiqués par le ministère de l'Intérieur, au moins 155 villes de 9 000 à 100 000 habitants ont basculé de gauche à droite, "une vague bleue" revendiquée par Jean-François Copé, président de l'UMP, qu'il considère désormais comme "le premier parti de France". Les listes de droite recueillent 45,91% des voix au niveau national, les listes de gauche 40,57%, le Front national-Rassemblement Bleu Marine 6,84%, a annoncé Manuel Valls. "Il s'agit bien d'une défaite (...) pour la gauche et le gouvernement", a dit le ministre de l'Intérieur. Manuel Valls a fait état de "14 ou 15 communes de plus de 9 000 habitants" conquises par l'extrême droite, en y englobant celles qui sont au moins de maires qui ont rompu avec le FN. Après Hénin-Beaumont au premier tour, Béziers (Hérault), Fréjus, Cogolin et Le Luc (Var), Beaucaire (Gard), Le Pontet et Camaret-sur-Aigues (Vaucluse), Villers-Cotterêt (Aisne), Hayange (Moselle) Mantes-La-Ville (Yvelines) passent sous pavillon FN, soit 11 villes. "Le FN réussit le meilleur score de toute son histoire à une élection locale", s'est réjoui le vice-président du FN, Florian Philippot, qui a été néanmoins battu à Forbach (Moselle), tout comme le compagnon de Marine Le Pen, Louis Aliot, à Perpignan.
Le FN, troisième force "Il faut désormais compter avec une troisième force politique dans notre pays", a dit Marine Le Pen, qui demande à François Hollande d'"enterrer" le pacte de responsabilité, clé de voûte de sa politique de redressement. "Le vote FN-RBM est maintenant un vote d'adhésion", a-t-elle souligné, précisant que le parti revendiquait "plus de 1.200 conseillers municipaux". Malgré l'élection d'Anne Hidalgo à Paris, "l'arbre" symbolique censé masquer une forêt d'échecs, la gauche n'aura pas réussi à mobiliser son électorat dans l'entre-deux-tours, signe d'un désaveu tenace envers François Hollande et sa politique. L'abstention, qui avait déjà atteint un taux sans précédent au premier tour (36,45%), s'établit, record historique, à quelque 38%. Les déçus du "hollandisme" ont, pour une bonne part, soit grossi les rangs des abstentionnistes, soit reporté leurs voix vers les listes du FN, qui réussit le pari de l'implantation locale sans toutefois déclencher une vague "bleu marine". Le chef de l'Etat, qui s'était engagé à tirer les enseignements de "l'avertissement" des Français, va s'exécuter "dans l'intérêt de la France", a assuré Jean-Marc Ayrault. Le Premier ministre, face à "un moment de vérité", a dit prendre "tout sa part" de la défaite alors qu'un remaniement gouvernemental se précise.
"Nous entendons" "Nous entendons, nous entendrons le message des électeurs", avait auparavant affirmé sur TF1 la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, qui a confirmé un prochain geste fiscal pour les ménages les plus modestes. "Il y a des Français qui souffrent" et "il nous faut renouer le dialogue sur un certain nombre de points de notre politique", a-t-elle concédé. L'ancienne candidate socialiste à la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, a réclamé "un très fort changement" face à "un avertissement très sévère". Les écologistes, qui ont pris la ville de Grenoble au PS, ont de nouveau mis en garde le gouvernement par la voix de leur secrétaire nationale Emmanuelle Cosse : "Nous avions bien dit que des choses n'allaient pas. Il faut rediscuter les 50 milliards d'économies" sur les dépenses publiques. La droite, qui avait limité ses ambitions à renverser le rapport de forces avec la gauche dans les quelque 1 100 communes de plus de 9 000 habitants, réussit au-delà de ses pronostics. Jusqu'ici majoritaire à 55% dans cette catégorie, la gauche tombe à 38%, selon l'Ifop. Toulouse, Saint-Etienne, Angers, Reims, Quimper, Tourcoing, Limoges, Nevers, Dunkerque, Belfort, Angoulême, Caen, Périgueux, Amiens ou encore Laval sont tombées comme autant de symboles. Elle conserve Marseille, deuxième ville de France. La gauche résiste à Lyon, Lille, Strasbourg, Nantes, Rennes, Metz, Brest, Lens, et conquiert Avignon, Douai, Lourdes. "Il s'agit vraiment des conditions d'une vague bleue", a dit Jean-François Copé. "C'est une très grande sanction pour la gauche".