Cela se passait à Sidi Bel Abbes au début des années 1980. Un vieillard avait été condamné à la prison ferme pour attentat à la pudeur, parce qu?il s?était soulagé juste devant la porte d?une «chakhsia». Une Européenne avait fait le tour de la ville à la recherche de toilettes publiques, en vain. Elle avait bien essayé dans les cafés et les bars, mais elle avait eu le tort de demander s?il y avait des toilettes pour dames. Elle dut se résoudre finalement à accepter la délicate attention d?un monsieur qui l?invita à venir chez lui, au sein de sa famille. Là elle trouva toutes les commodités pour enfin pouvoir sacrifier aux exigences de la nature. Le wali de l?époque qui avait entendu parler de ces histoires eut une idée révolutionnaire pour pallier cette carence en toilettes publiques. Il prit un arrrêté par lequel il facilitait à l?extrême la délivrance d?une licence pour l?exploitation de bars, à condition que les tenanciers s?engagent à respecter un cahier des charges dans lequel il y avait, entre autres, l?obligation de tenir à la disposition de la clientèle des toilettes messieurs et des toilettes dames en parfait état de propreté. Du jour au lendemain, Sidi Bel Abbes connut une profusion de ce genre d?établissements que la concurrence rendait très attractifs à plus d?un titre. Mais tout le monde convenait que le wali aurait pu étendre ces mesures à tous les cafés et à obliger la mairie à doter la ville de toilettes publiques et autres vespasiennes, pour que les gens n?aient plus à entrer dans un bar pour pouvoir se soulager. Ce sujet peut prêter à sourire, mais qui n?a eu un jour cet irrépressible besoin d?aller «au petit coin» dans une ville étrangère, en plein centre-ville. Dans les cafés, les toilettes sont toujours fermées, parce qu?il n?y a pas d?eau. Dans les bars, si une femme a le courage d?affronter les regards réprobateurs, elle passera pour ce qu?elle n?est pas. Elle y trouverait, de toute façon, des «sanitaires» dans un état de saleté à faire «pleurer», au vrai sens du terme. Comme ces rares toilettes «publiques», payantes et douteuses, tenues par des particuliers, mais si rares. Notre dame en question n?a plus qu?à ravaler sa pudeur et sa dignité et à frapper à la première porte pour demander si elle peut se servir des toilettes familiales. Généralement, les gens ne refusent jamais, parce que cela peut arriver à n?importe qui.