Résumé de la 281e partie n Gideon m'avait proposé de m'acheter une maison, mais j'avais refusé. Je tenais à garder mon indépendance. Et pourtant la fenêtre de mon salon avait été brisée par une pierre enveloppée dans une feuille de papier sur laquelle était écrit : «Sale Japonaise.» Je savais que j'allais avoir du mal à trouver une autre maison pour ma fille et moi. — Je ne sais pas où ils vont m'envoyer, m'avait dit Gideon lorsqu'il avait reçu sa feuille de route. Compte tenu de la nature des tâches auxquelles ils veulent m'affecter — la construction de ponts et de routes —, ma destination doit rester confidentielle. Mais lorsque je serai sur place, l'armée informera mon épouse et ma mère. Si tu as besoin de moi, Harmonie, n'hésite surtout pas à aller les trouver, elles te diront où tu peux me joindre. Je savais que je ne pourrais pas aller trouver Olivia ; jamais elle ne me dirait où Gideon était en poste. Je savais également que Fiona refuserait de m'aider. Mais je devais songer à Iris. Elle avait treize ans à présent, et devait être constamment surveillée. C'était une jolie jeune fille qui, partout où elle allait, attirait le regard des hommes. Iris n'avait aucun sens du danger, elle ne connaissait pas les hommes. Elle demeurait enfermée dans sa prison intérieure ; elle n'avait jamais appris à parler ; elle vivait recluse dans un monde qui lui était propre. «As-tu songé à la mettre dans une institution spécialisée ?» m'avait demandé un jour Gideon alors que nous étions en train de revoir ensemble les écritures d'Harmony-Barclay Ldt. Mais au ton de sa voix j'avais deviné qu'il ne le pensait pas vraiment. Il aimait Iris autant que moi, et n'aurait pas supporté de la savoir enfermée. Cependant lui aussi était inquiet de voir qu'elle approchait de la puberté. Il savait que les hommes allaient commencer à la regarder, et qu'ils essaieraient de tirer avantage de la situation. J'avais soin de garder Iris à l'œil chaque fois que je me rendais avec elle quelque part. Elle était bien connue des ouvriers de l'usine de Daly City, qui l'entouraient de leurs attentions et lui donnaient des bonbons. Elle m'accompagnait chaque fois que je me rendais chez des herboristes ou des chimistes ou que je faisais la tournée des cultivateurs pour acheter des plantes médicinales. Elle venait avec moi au cinéma, même si nous étions obligées de sortir avant la fin du film car elle était incapable de tenir en place ; le soir, nous écoutions la radio ensemble et, bien qu'elle ne comprît pas ce qui se disait, elle riait à certaines émissions. Il fallait que je trouve une maison sûre et où nous puissions résider de façon permanente, ma fille et moi. J'avais gardé la lettre que mon père avait écrite à ma mère, où il disait qu'une fois rentré aux Etats-Unis il demanderait le divorce. A suivre