Résumé de la 3e partie Bertha, qui avait préféré rester auprès de sa nourrice, a été carrément kidnappée par ses parents, les Hertog, confortés par une décision de justice. Et Bertha, loin de la Malaisie, dépérit? Mais le 18 août 1951, le même hebdomadaire écrit : «A Singapour, Abadi, instituteur malais, réclame Bertha, son épouse devant l'Islam, et les fanatiques musulmans menacent, si elle ne rentre pas, de tuer Européens.» «A Bergen-op-Zoom, Bertha Hertog, quatorze ans, apprend à devenir une jeune fille hollandaise accomplie. Les premiers mois, la petite maison de briques et de tuiles rouges des parents de Bertha avait fait l?objet d'une surveillance sans relâche. Deux policiers armés, balle dans le canon du revolver, se relayaient toutes les huit heures, l'un devant la porte d'entrée, l?autre dissimulé dans le jardin. Un autre, pendant les classes, s?installait à deux pupitres derrière elle et surveillait plus attentivement les portes et les fenêtres lorsqu'elle se levait pour tracer sur le tableau noir ses premiers mots de hollandais. La surveillance s'est relâchée maintenant, mais toute la ville protège Bertha et l'on interroge chaque étranger, surtout s'il a le teint bronzé, de peur qu'il ne cache un Malais fanatique.» De même que les musulmans prient et menacent pour que leur Bertha reste fidèle à l'islam, de même les Hollandais ont fait de Bertha leur héroïne. Ils ont ouvert des souscriptions pour envoyer à Singapour les meilleurs avocats et le quotidien de Bergen-op-Zoom a recueilli, en quelques semaines, trois millions de francs. Un comité de défense s'est constitué, comprenant de hauts fonctionnaires du ministère de la Justice. «Si un nouveau jugement à Singapour rendait Bertha à son mari et à la jungle, les Hollandais emploieraient la force pour l'empêcher de les quitter.» En décembre, Bertha était une petite sauvage en sarong, hurlant et demandant à être rendue à son mari et à sa nourrice, qu'elle appelait sa mère. Aujourd'hui, lorsque ses voisins, la voyant sourire du matin au soir, lui disent : «Veux-tu retourner à Singapour ?» la réponse est toujours la même et c'est presque un cri de rage : «Nooit !», ce qui veut dire : «Jamais.» Les six enfants Hertog ont immédiatement adoré leur s?ur retrouvée ; ils lui ont appris à manger avec une fourchette, à se laver, à faire des bonshommes avec la neige qu'elle n'avait jamais vue et dont le contact l'épouvantait, à monter sur les patinettes à gros pneus ou à jouer à la marelle en souriant aux tulipes. Bertha sait coudre et tricoter. Chez les s?urs franciscaines, elle a sauté la classe des tout-petits. S?ur Edward, la mère supérieure, la considère comme un prodige d'intelligence. Elle a, en quelques mois, appris à lire et à écrire. Trois fois par semaine, elle étudie le piano. Elle a oublié les chants malais pour les cantiques et les airs de folklore hollandais qu?elle entend à la radio. Le 29 avril, pour sa première communion, elle a fait couper ses longs cheveux de fille de la jungle. Fin de citation et fin du quatrième acte. Epilogue. Rappelons-nous qu'à Singapour, Bertha et son mari ne voulaient pas se quitter ; il y avait eu vingt morts et cent blessés dans les rues. Deux ans plus tard, un télégramme de l?agence Reuter annonce : «La cour suprême ayant confirmé la nullité du mariage de Mansoor Abadi, le mari de la petite fille de la jungle, celui-ci s'est remarié avec une Malaise de dix-huit ans.» Cinq ans plus tard, un nouveau télégramme : «Bertha Hertog, ex-petite fille de la jungle, vient de convoler en justes noces. Elle et son époux sont partis en voyage de noces aux Caraïbes.»