Résumé de la 285e partie n Je restai muette de stupéfaction, car jamais je n'avais vu ma fille rester concentrée aussi longtemps sur un objet… C'était la troisième fois en trois jours qu'elle attirait mon attention sur la nature défectueuse d'un produit. — Mauvais travail. Elles se laissent aller, dit-elle avec un signe de tête en direction de l'unité de production, où les ouvrières se relayaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis que la guerre avait éclaté et que la demande de médicaments avait décuplé. Elles touchent leur paye. Elles rentrent chez elles. Elles se laissent vivre. Par elles, elle entendait les trois cents ouvrières que j'employais désormais à la fabrication des produits Parfaite Harmonie A la vue du lot défectueux de Baume de Mei-ling, mon cœur se serra. Si Mme Fong n'avait pas veillé au grain, le lot aurait été expédié, et qui sait quels effets indésirables il aurait pu avoir sur les utilisateurs ? Je quittai mon bureau et m'approchai du bahut chinois qui se trouvait sous la fenêtre, et sur lequel j'avais installé une plaque chauffante, une bouilloire, trois théières en terre cuite de Yixing, ainsi qu'un assorti-ment varié de thés et de tisanes que j'utilisais selon mes besoins. Dans l'immédiat j'avais besoin de recouvrer mon calme et d'apaiser mon excès de yang. Depuis quelque temps, je souffrais d'insomnie et d'anxiété, car Iris et moi n'avions toujours pas trouvé de maison. Les seuls propriétaires qui voulaient bien de nous avaient des maisons situées dans des quartiers mal famés ou dont les noms portaient malheur. Dans les bons quartiers, où le ki bienfaisant circulait en abondance, et où les numéros des rues portaient chance, les Blancs rejetaient les Chinois. Tout en me servant une tasse de thé dans laquelle je mis deux capsules de Bliss, je contemplai pensivement le complexe pharmaceutique Parfaite Harmonie. Ma société avait-elle grandi au point que j'en perdais le contrôle ? Le Golden Lotus et le Dix Mille Yang se vendaient dans toute l'Asie avec un tel succès que notre branche de Hong Kong n'arrivait plus à répondre à la demande. Les deux remèdes étaient devenus de véritables panacées pour les pauvres gens, et dans les régions en guerre ils figuraient dans toutes les trousses à pharmacie. Et chez nous, en Amérique, où les médicaments devenaient de plus en plus rares en raison de l'effort de guerre, les gens à la recherche de remèdes de fortune étaient de plus en plus nombreux à fréquenter les herboristeries. Dès que les premiers signes d'une menace de guerre s'étaient fait sentir, j'avais commencé à stocker d'importantes réserves de matières premières en provenance d'Asie, si bien que lorsque le Japon lança son attaque sur Pearl Harbor, fermant du même coup toutes les voies de communication commerciale entre l'Asie et l'Amérique, mon entrepôt était plein. A suivre