La maîtresse s?exclama : «En signe de deuil, de mes boucles d?oreilles, Je ne vais plus me parer.»(4) Notre belle dame, en larmes, était en train d?ôter ses belles boucles quand son mari entra et s?étonna : «Ma chère, de tes oreilles Pourquoi avoir enlevé tes anneaux d?or ?» Sa femme alors pleura plus fort : «Ne sais-tu pas ? Le père des punaises a chuté Dans le chaudron et s?est noyé dans le bouillon ! La puce, jusqu?à en perdre la vue, l?a pleuré ; Puis est venue, désespérée, sur le mur s?effondrer. Le serpent de sa vieille peau s?est dépouillé. L?olivier de ses fruits s?est délesté. La fontaine s?est asséchée, La servante, son outre a déchiré, Et moi, de mes boucles je ne vais plus me parer.» C?est ainsi que le mari décida, pour calmer sa fureur, De couper sa belle barbe.(5) Sur l?heure, il la trancha et la jeta au loin. La barbe tomba sur le mur, où était effondrée la pauvre petite puce qui s?indigna : «Barbichette, pourquoi donc, le maître T?a-t-il jetée par la fenêtre ?» Et la pauvrette bredouilla : «Ne sais-tu pas ? Le père des punaises est tombé dans le chaudron, et s?est noyé dans le bouillon ! La puce, jusqu?à en perdre la vue, l?a pleuré ; Puis est venue, désespérée, sur le mur s?effondrer. Le serpent, de sa vieille peau, s?est dépouillé. L?olivier, de ses fruits, s?est délesté. La servante, son outre, a déchiré. La maîtresse, de ses boucles, ne s?est plus parée. Le seigneur, de rage, m?a coupée et jetée !» Alors la puce, consolée par tant de sollicitude, cessa de pleurer. Sans faire de bruit, elle s?approcha du maître et lui recolla sa barbe. Le seigneur redevint encore plus beau ! Sa femme heureuse remit aux oreilles ses anneaux. La fontaine laissa bondir son eau, La servante en puisa un plein seau. L?olivier refleurit de nouveau, Et le serpent retrouva une nouvelle peau. ? (4) En signe de deuil, les femmes en Algérie ne se teignent plus les cheveux au henné, ne se maquillent plus et ne se parent plus de bijoux. ? (5) Se couper les moustaches ou la barbe est signe chez l?homme de démission ou d?impuissance.