Plaie Sarah est mère célibataire. Agée de 20 ans, elle s?est retrouvée à la rue dès l?âge de 10 ans. Elle a connu la drogue et les agressions. Elle a appris à agresser à son tour. «Je suis née en 1984 et j?habitais à Blida. Ma mère étant morte en couches alors que j?avais 2 ans, mon père s?est remarié. De son vivant, notre marâtre était gentille et affectueuse avec moi et ma jeune s?ur. Puis mon père décède d?une gangrène ; il était diabétique. D?ailleurs moi aussi, je suis insulino-dépendante. Après l?amputation de mon père, ma marâtre a changé complètement de comportement avec nous. Elle nous a emmenées à Oran, où elle nous envoyait faire de petits boulots chez les gens et mendier pour avoir de l?argent. J?apportais de l?eau aux gens, car à Oran, il était difficile de trouver de l?eau potable. Elle me confisquait mon argent. Lorsque je n?en ramenais pas, elle me punissait. Un jour, elle m?a jetée dehors. J?ai dû quitter Blida pour me rendre à Annaba, où je n?avais que la rue comme seul refuge. J?ai connu la drogue, la consommation de diluant, je sniffais de la colle et j?ai appris à mon tour à agresser les gens pour manger. J?ai goûté à tout. Il fallait se défendre, dehors. J?ai été agressée à plusieurs reprises. On m?a engrossée à l?âge de 17 ans, dans un quartier d?Oran. J?y suis retournée, car je ne connaissais personne à Annaba. Le père de mon enfant, résidant dans ledit quartier, me terrorisait. Je n?ai pas déposé plainte car j?avais très peur. Je n?avais personne pour me protéger. C?était la loi de la jungle. Je me suis donc enfuie pour rejoindre Alger. Je créchais dans le parc Sofia. C?est là-bas qu?on m?a, à deux reprises, poignardée. J?ai eu une plaie qui a nécessité 12 points de suture. Un jour, les gens du Samu m?ont trouvée et m?ont accueillie dans ce centre. J?ai une fille de trois ans, je mène une vie de misère avec elle. Je n?hésite pas à demander l?aumône aux âmes charitables qui se rapprochent du Samu. Elles me dépannent. Elles m?aident, avec un peu d?argent, à acheter son lait, ses couches et elles me donnent des vêtements. Je ne travaille pas. A chaque fois que je postule pour un travail, dès qu?on apprend que je suis mère célibataire, je ne suis pas acceptée. Je suis arrivée, avec du recul, à me rendre à l?évidence : Il faut que je confie ma fille à une famille pour pouvoir me débrouiller toute seule. Au moment de sa naissance, je n?ai pas eu la force de l?abandonner à l?hôpital. Aujourd?hui, je ne sais pas si j?ai bien fait. Je suis arrivée au point de tenter d?attenter à ma vie. J?ai failli jeter ma fille du pont et me jeter ensuite pour en finir avec cette misérable vie. Grâce aux gens qui m?ont ramenée à la raison, je ne me suis pas suicidée. Vous savez, les mauvaises langues ne m?épargnent pas. Dehors, on me traite de tous les noms. On me blesse avec des propos injurieux. Après tout ce que j?ai enduré, aujourd?hui, je voudrais me marier et fonder un foyer. Je voudrais refaire ma vie. L?essentiel, c?est que je ne reste pas au centre. Le centre est une solution provisoire.»