Première n Quelques milliers d'opposants à ce régime d'exception ont manifesté hier, samedi, dans les rues de plusieurs dizaines de villes françaises. A Paris, au cri de slogans tels : «Etat d'urgence, Etat policier», 5 500 personnes, selon la préfecture de police, 20 000 selon les organisateurs, ont bravé la pluie entre la place de la République et le Palais-Royal. Cette manifestation intervient à quelques jours de l'examen par le Parlement français, d'un projet de loi. A Perpignan (Pyrénées-Orientales), à Mâcon (Saône-et-Loire), partout en France, syndicats, associations et organisations des droits de l'homme se montrent très in- quiets. Les manifestants, répondant à l'appel d'un collectif d'ONG, dont la Ligue des droits de l'Homme et plusieurs syndicats, demandent la levée immédiate de l'état d'urgence, instauré après les attentats de novembre 2015 qui ont fait 130 morts à Paris, et l'abandon du projet de déchéance de la nationalité pour les personnes condamnées pour des activités terroristes. Ces mesures «heurtent et mettent à mal nos libertés au nom d'une hypothétique sécurité», selon un communiqué des collectifs. Elles ont motivé la démission, mercredi dernier, de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui a fait état d'un «désaccord politique majeur» avec le président François Hollande et le Premier ministre Manuel Valls. Dans la foule, Chris, une femme qui ne veut pas donner son nom, demande: «l'état d'urgence, jusqu'à quand ? La fin de Daech ? Dans dix ans? Jamais ? Il faut y mettre un terme, surtout que notre arsenal législatif est déjà largement suffisant», estime-t-elle. Manuel Valls a assuré mercredi que l'état d'urgence, que l'exécutif veut prolonger jusqu'à fin mai, sera «nécessairement borné dans le temps». Il avait déclaré auparavant à la BBC que la France «pouvait utiliser tous les moyens» face au terrorisme «jusqu'à ce qu'on puisse en finir avec Daech», des propos interprétés par certains comme une volonté de pérenniser l'état d'urgence pendant des années. Cette mesure est prévue dans un projet de révision constitutionnelle, qui prévoit aussi d'inscrire dans la Constitution l'état d'urgence pour le sécuriser sur le plan juridique et l'encadrer, selon l'exécutif. «On s'achemine vers un état d'urgence permanent dans notre République française qui est unique dans son histoire. C'est extrêmement grave pour les libertés», dénonce Anne Gaudron, responsable de la ligue des droits de l'homme. L'état d'urgence a été décrété sur tout le territoire français lors d'un Conseil des ministres extraordinaire, qui s'est tenu dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 au lendemain des attentas de Paris. Il permet aux autorités «d'interdire la circulation des personnes ou des véhicules», d'instituer «des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé» et d'interdire le séjour dans une zone géographique «à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics», selon la loi de 1955 qui l'a créé.