A la demande du président François Hollande, invoquant notamment la réforme constitutionnelle et la nouvelle loi pénale en préparation, le maintien de l'état d'urgence, qui n'a pas « vocation à durer », selon Hollande, n'est pas de bon effet. Mais, le Premier ministre manuel Valls revendique « le temps nécessaire ». Si elle est portée à bout de bras par la droite et le centre, la famille socialiste et des humanitaires se sont insurgés contre la dimension liberticide et les dérives autoritaristes. A la décharge de l'option du tout répressif, le bilan ne prête pas à l'optimisme. Sur les 2.721 perquisitions, les 376 interpellations, les 382 assignations à résidence et les 500 armes découvertes décomptées par la commission parlementaire, il en ressort, selon la ligue des droits de l'homme, qu'elles n'ont donné lieu qu'à quatre procédures judiciaires liées au terrorisme. Des bavures policières et des abus ont été enregistrés dans le cadre des assignations à résidence ou des perquisitions opérées sans mandat judiciaire. Pour la première fois, vendredi dernier, le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative, a suspendu une assignation à résidence, au motif avancé que l'appartenance de l'intéressé à la mouvance islamiste radicale n'était pas prouvée. En même temps, l'exécutif peut à tout moment interdire les manifestations publiques, comme ce fut le cas à Paris durant la conférence sur le climat COP21. Le piège liberticide se referme sur la France qui commence sérieusement à douter de la pertinence du choix répressif. Passé « l'effet de surprise », comme l'a souligné le président de la commission parlementaire chargé de contrôler l'application de l'Etat d'urgence, Jean-Jacques Urvoas, la polémique a rebondi. Elle est alimentée par des intellectuels, des magistrats et des défenseurs des droits de l'homme, appelant dans des pétitions à marcher le 30 janvier, à Paris, pour dénoncer le choix socialiste de la constitutionnalisation de l'Etat d'urgence et, surtout, la déchéance de la nationalité pour les binationaux condamnés pour crime terroriste perçue comme une violation des idéaux républicains. C'est cette bataille, associant dans un même élan discriminatoire la droite, l'extrême droite et les Républicains de Sarkozy militant, quant à lui, à une extension aux « délits » liés au terrorisme, qui mobilise l'intérêt des partisans de la levée immédiate de l'Etat d'urgence dont la demande introduite par la Ligue des droits de l'homme doit être examinée, demain, par le Conseil d'Etat. De son côté, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), structure de l'Etat indépendant où siègent personnalités et représentants de la société civile, s'est insurgée contre la déchéance de la nationalité jugée sans effet en matière de « prévention des actes terroristes » et accusée de privilégier une « différence de traitement » entre Français binationaux ou non par le « pays de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen » appelé à « être exemplaire dans les réponses qu'elle apporte » à la menace terroriste. Dans le camp des ONG dont le Syndicat de la magistrature et les principaux syndicats de salariés, le niet à la « gouvernance de la peur » a été délivré. « Pour nous, c'est définitivement non ! », ont écrit 70 d'entre elles dans une déclaration musclée. La messe est dite. « Le piège politique de l'état d'urgence se referme sur le gouvernement », constate l'avocat de la Ligue des droits de l'homme, Patrice Spinozi.