Constat n Si l'incivisme est considéré parfois comme un déficit intellectuel et moral, il est souvent l'expression d'une violence qui répond à une autre violence. Alors même que la révolution armée n'avait même pas commencé dans les villes et les campagnes de notre pays, des Algériens écœurés par le beylik et ses suppôts et surtout par les abus des colons ont commencé, très tôt sans se donner le mot à assouvir une colère longtemps étouffée. Discrètement, sans se faire remarquer et sans avoir à répondre plus tard de leurs «méfaits». Cette vengeance des humbles se traduira sous plusieurs formes. Dans certains hameaux des hauts-plateaux par exemple, des adolescents se feront un malin plaisir de casser des lampes des poteaux électriques, le soir quand tout le monde dort. Et quand le bourg disposait d'un jardin public fleuri et parfaitement entretenu, les mêmes garnements, profitaient de l'absence du gardien pour piétiner tous les massifs. Les adultes qui avaient pris l'habitude d'enlever leurs bérets ou de s'immobiliser au passage d'un corbillard européen sur instruction de l'occupant prendront leur distance avec ce rituel et feront en sorte d'éviter les cortèges funèbres. Des notables musulmans qui avaient pignon sur rue et dont l'allégeance aux autorités était calculée en fonction de ce qu'ils pouvaient en tirer se feront volontiers porter pâle le jour du 14 juillet pour ne pas assister aux cérémonies commémoratives organisée par la commune. Etant sûrs que la justice coloniale donnerait toujours raison aux pieds noirs quand un différend les opposait à des «indigènes», de nombreux fellahs expropriés de leurs terres par ces mêmes pieds noirs se vengeront de l'occupant en laissant airé le temps… et l'oubli. Et puis, un jour, ils règlent leur compte sans que personne ne les soupçonne. Profitant d'un été particulièrement caniculaire, les mois d'août en l'occurrence et de l'absence du côlon parti en ville pour la messe du dimanche et pour assister à l'occasion aux fêtes de l'ascension, les victimes déclencheront un gigantesque incendie qui ravagera une bonne partie de la récolte sans compter les dégâts causés à la grange, à l'écurie et à l'étable. Pour ne pas être inquiétés par la police et les gendarmes et éviter d'être considérés comme des complices, les saisonniers et même les douars environnants donneront le change en faisant semblant de maîtriser par tous les moyens le sinistre.