Résumé de la 8e partie n Marie criait comme si elle avait déjà été dévorée, et je criais aussi fort qu'elle. Le lendemain, c'était le jour de la fête de madame. Nous allâmes à la messe, et, en revenant de l'église, Marie appela une demi-douzaine de petites pauvresses, en leur disant qu'elle avait à la maison quelque chose à leur donner et qu'elles vinssent dans l'après-midi. Elles n'y manquèrent pas, comme bien vous pensez. Elles trouvèrent un bon goûter préparé sous les arbres verts ; au milieu de la table était un gros bouquet, cueilli par Marie en l'honneur de sa mère absente. A la place de chacune de ses petites convives, elle avait posé une glane, – la moitié de chacune des trois grosses glanes qu'elle avait cueillies elle-même la veille, et puis une bonne tranche de viande, parce qu'elle savait qu'elles n'en mangeaient pas tous les jours, et une part énorme de galette ; des fruits à l'avenant, du cidre sans eau et même un petit verre de vin sucré. Comme on en était à la galette, j'entendis sonner à la grande porte. J'allai ouvrir : c'étaient mes maîtres qui arrivaient de leur voyage. – Où est Marie ? Je les conduisis dans le jardin. Jugez de la surprise ! Quand on apprit à madame que c'était elle qu'on fêtait de la sorte, pensez comme elle embrassa Marie. Elle présida elle-même à la fin du goûter, et puis donna aux petites pauvresses une pièce blanche pour leurs parents, et puis les congédia bien contentes. Mais ce fut bien mieux encore quand elle se fut aperçue du changement miraculeux dans les habitudes et le caractère de sa fille. – Mais, Françoise, me disait-elle, qu'est-ce que vous lui avez donc fait ? – Je n'ai rien fait du tout, madame, lui répondais-je.Demandez-le vous-même à Marie. Elle a toujours été la maîtresse, comme vous me l'aviez ordonné. C'est Marie qui s'est corrigée elle-même. Et madame en revenait toujours à dire : — Mais, ma bonne Françoise, comment vous y êtes-vous donc prise ? Elle n'est plus ni gourmande, ni coquette, ni colère, ni paresseuse ; elle est bonne pour les pauvres et pour les bêtes. En vérité, c'est une perfection. Aussi je vais lui donner tout de suite tous les joujoux et toutes les parures que j'avais apportés pour elle des pays étrangers. Et, en effet, elle tira d'une grande caisse des robes, des colliers, des rubans, des poupées habillées à l'italienne, à la grecque, à la turque, je ne sais plus à quoi ; il y en eut pour deux jours de déballage. A suivre Charles-Philippe de Chennevières-Pointel