Imaginaire n En essayant de jeter un regard en arrière, sur son vécu, le scribe ne peut se soustraire à l'appel à l'aide silencieux dans le temps, des compagnes du Peuple de disparus. Comme à l'accoutumée, la librairie Chihab a organisé une rencontre littéraire pour annoncer une nouvelle parution, en l'occurrence celle de l'auteur Rachid Mokhtari «Moi, Scribe». Une histoire surréaliste, avec en filigrane un contexte sociopolitique des plus tangibles. Le scribe est le personnage par qui le roman – il est paru aux éditions Chihab – n'aurait pu se faire. Le dernier de la race des lettrés, s'est retiré de la communauté du genre humain dominant, vivant en solitaire dans un bureau-cagibi qui lui sert de lieu de travail. Dans son isolement voulu, il laisse ses pensées vagabondes partir sur le chemin du passé, lorsqu'il prêtait sa plume et ses mots aux femmes d'émigrés «les veuves des vivants» en tentant de construire par delà la mer un pont d'affection avec leurs époux. En essayant de jeter un regard en arrière, sur son vécu, le scribe ne peut se soustraire à l'appel à l'aide silencieux dans le temps, des compagnes du Peuple de disparus. Puis, comme pour rendre sa situation plus complexe, surviennent dans la vie du scribe un jeune homme, Karim K. et sa petite amie Zeina. Lui, dramaturge en devenir, elle, animatrice d'une émission sur les ondes de la radio dite «nationale», d'une chronique radiophonique sur les oiseaux. Tous les ingrédients sont réunis, dans cette trame créative surprenante, jusqu'au personnage politique bouffon et grotesque, «Tikouk», membre du parti PPCL. Et de la non moins insolite Mme Tikouk. Le surréalisme est flagrant, choisi comme nous avons pu le constater comme genre littéraire par Mokhtari dans cette publication. Le récit se caractérise par des situations inimaginables, des rapprochements saugrenus, surprenants. L'auteur qui n'en est pas à sa première tentative d'écri-ture, a cherché à transcender la logique des choses et la pensée ordinaire. Il révèle tout au long des pages «une société qui n'est plus productrice de symboles, une société de l'immanence, de l'objet…». Etrange «approche profanatoire» que ce retour des morts qui quittent le cimetière, chassés par un bulldozer. Terrible le message fort du Patriarche du ver dans le fruit. Intense la symbolique de l'olivier et intolérable la logique animale des oiseaux charognards. «Je suis beaucoup plus dans l'onirisme, dans le temps qui échappe à la réalité… J'invente le temps et je joue sur l'éternité», explique Rachid Mokhtari sur l'intensité de cet univers singulier dont il dit «dans ce roman, je ne suis pas dans le récit mais dans le fabuleux fictionnel et dans le temps du conte fantastique». La forme d'écriture tout à fait nouvelle dans cette production, n'est pas sans faire penser au style si cher à Garcia Marquez.