Spirale n Le scandale de corruption Petrobras n'a mis que 12 jours pour exploser au sommet du nouveau gouvernement brésilien et coûter hier, lundi, son poste à l'un des ministres les plus proches du président par intérim, Michel Temer. Mis en cause dans la matinée par des révélations explosives, le ministre de la Planification, Romero Juca, a été contraint d'annoncer sa «mise en réserve» du gouvernement. Le quotidien Folha de Sao Paulo a déclenché une tempête en publiant l'enregistrement d'une conversation datant de mars, dans laquelle M. Romero prônait un «pacte» passant par la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff pour étouffer l'enquête sur les détournements de fonds au sein du groupe étatique Petrobras, dans laquelle il est lui-même visé. «L'impeachment est nécessaire. Il n'y a pas d'autre issue. Il faut résoudre toute cette merde. Il faut changer de gouvernement pour stopper l'hémorragie», déclarait M. Juca lors d'un rendez-vous à son domicile avec un ancien sénateur de son parti, Sergio Machado, ex-président de la compagnie pétrolière Transpetro, lui-même soupçonné de corruption. Romero Juca a tenté dans la matinée de se justifier, en affirmant qu'il se référait par «hémorragie» à la crise économique et non à l'enquête Petrobras. Mais aucun des extraits de sa conversation publiés par Folha ne se réfère à la sévère récession économique qui plombe le géant émergent d'Amérique latine. Il n'y est question que de l'inquiétude des deux interlocuteurs face à l'avancée inexorable de l'enquête Petrobras, qui éclabousse une grande partie de l'élite politique brésilienne. «Il faut un accord, mettre Michel (Temer au pouvoir, NDLR), un grand accord national», y déclare M. Machado, qui a, semble-t-il enregistré cette conversation à son insu en vue de nouer un futur accord de collaboration avec la justice contre remise de peine. Un accord «avec le tribunal suprême, et tout le monde», abonde M. Juca, s'inquiétant à son tour de l'action des enquêteurs : «Ils veulent en finir avec la classe politique, pour faire émerger une nouvelle caste pure». L'entourage de Dilma Rousseff a immédiatement réclamé la démission de M. Juca, dénonçant «un scandale, une honte». Ce dialogue «démontre la véritable raison du coup pratiqué contre la démocratie et contre le mandat légitime de Dilma Rousseff. L'objectif est de freiner l'enquête Petrobras et de la mettre sous le tapis», a réagi l'ancien ministre de gauche, Ricardo Berzoini, sur la page Facebook de la présidente suspendue. Accusée de maquillage des comptes publics, mais pas de corruption, Mme Rousseff a été écartée de la présidence le 12 mai pour un maximum de six mois par le Sénat, dans le cadre d'une procédure de destitution, en attendant le jugement final des sénateurs. Le sénateur Romero Juca a été l'un des principaux articulateurs politiques de cette procédure de destitution, dénoncée par Mme Rousseff comme un «coup d'Etat» institutionnel ourdi par le vice-président Temer.