Une semaine cruciale s'est ouverte pour la présidente brésilienne Dilma Rousseff avec le vote lundi d'une commission parlementaire sur sa destitution, avant que les députés se prononcent en session plénière à partir de vendredi. Une commission spéciale de 65 députés devait approuver à la majorité simple un rapport non contraignant préconisant la poursuite du processus de destitution de la dirigeante de gauche devant le Sénat, qui aura le dernier mot. Dominée par l'opposition, la commission devrait se prononcer pour la destitution. Il y aura 35 voix pour eux et 29 pour nous, a reconnu dans un message envoyé le député Paulo Pimenta du Parti des travailleurs (PT-gauche) au pouvoir. La séance s'est ouverte dans une salle comble de députés et de journalistes où la plupart des parlementaires des deux camps arboraient des pancartes Impeachment immédiatement ou Impeachment sans délit est un coup d'Etat. Mme Rousseff, 68 ans, une ancienne guérillera torturée sous la dictature militaire, est accusée par l'opposition de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, pour minimiser l'ampleur des déficits publics du géant émergent d'Amérique latine en pleine récession. Elle se défend d'avoir commis un quelconque crime de responsabilit é administrative justifiant sa destitution et dénonce une tentative de coup d'Etat institutionnel. Le rapporteur de la commission spéciale, le député de droite Jovair Arantes, a réitéré sa conviction qu'il y a des indices suffisants pour préconiser sa mise en accusation devant le Sénat. Le rapport de la commission spéciale sera soumis à partir de vendredi à la Chambre des députés, dont le vote pourrait intervenir dimanche ou lundi prochains. Le vote de deux tiers des députés (342 sur 513) est requis pour que la procédure se poursuive, faute de quoi elle serait définitivement enterrée. Si la procédure franchit ce cap, le Sénat devra approuver ou non à la majorité simple la mise en accusation de la présidente, qui serait écartée du pouvoir pendant un délai maximum de 180 jours, en attendant un vote définitif sur sa destitution qui devrait également recueillir les deux tiers des suffrages des sénateurs. Si elle était destituée, c'est le vice-président Michel Temer, 75 ans, qui assurerait la présidence par intérim jusqu'à la fin de son mandat en 2018. SUSPENSE JUSQU'AU BOUT Des artistes et intellectuels brésiliens, dont le chanteur et écrivain Chico Buarque, ont convoqué à Rio de Janeiro une manifestation de soutien à Mme Rousseff au moment où la commission parlementaire sera réunie pour voter dans la capitale Brasilia. L'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), mentor politique de Mme Rousseff, a annoncé sa participation. Mme Rousseff a nommé Lula à la mi-mars chef de cabinet (quasi Premier ministre), afin de mobiliser les soutiens nécessaires pour faire barrage à sa destitution. Mais cette nomination a été gelée par la justice, qui enquête sur l'implication pré- sumée de l'ex-président dans le scandale de corruption Petrobras. Jeudi, le procureur général Rodrigo Janot a recommandé que la Cour suprême annule l'entrée de Lula au gouvernement, estimant qu'il s'agissait d'un subterfuge pour le faire échapper à la justice ordinaire. Le Tribunal supérieur fédéral (STF) doit se prononcer définitivement sur le sort de l'expr ésident le 20 avril. Cela n'empêche pas l'icône de la gauche brésilienne de multiplier les contacts dans un hôtel de Brasilia avec les députés de partis de centredroit pour tenter de les convaincre de voter contre la destitution. Lula conserve l'espoir d'entrer au gouvernement, dont il deviendrait l'homme fort, en vue d'une possible candidature à la pré- sidentielle de 2018 où il reste le favori, malgré les déboires de la gauche au pouvoir, éclabouss ée par le scandale de corruption Petrobras. Selon un sondage publié ce week-end par l'institut Datafolha, il obtiendrait au premier tour 21% des suffrages, suivi de près par d'autres candidats. Selon ce même sondage, 61% des Brésiliens souhaitent la destitution de Mme Rousseff. Ils étaient 68% à la mi-mars. Pour le moment, aucun des deux camps n'a encore la garantie d'obtenir les votes suffisants pour faire aboutir ou avorter la procédure de destitution. Des grilles ont été installées dimanche sur l'esplanade des ministères à Brasilia, pour séparer opposants et partisans à la destitution le week-end prochain devant le Congrès. Les autorités s'attendent à ce que 300 000 personnes se rassemblent sur cette esplanade entre les 15 et 17 avril. DESTITUTION RECOMMANDEE Une commission parlementaire brésilienne a recommand é lundi la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff. Cette décision survient à quelques jours du vote crucial de l'assemblée plénière des députés. Elle a été approuvée par une majorité simple de 38 votes pour et 27 votes contre. Les membres de la commission recommandent de la destituer pour avoir enfreint la réglementation budgétaire pour favoriser sa réélection en 2014. C'est maintenant à la chambre basse réunie en plénière de se prononcer sur la destitution. Si l'assemblée des députés valide cette recommandation par un vote des deux tiers (342 sur 513), dimanche ou lundi prochains, la procédure de destitution se poursuivra devant le Sénat qui aura le dernier mot. La chambre haute n'a besoin que d'un vote à la majorité simple. LE VICE-PRESIDENT SE VOIT DEJÀ PRESIDENT Le vice-président du Brésil, Michel Temer, a reconnu avoir accidentellement fait fuiter lundi un message audio contenant son discours à la nation au cas où la procédure en destitution de la présidente Dilma Rousseff irait à son terme. L'apparition sur plusieurs sites internet dans l'après-midi de cette bande-son de 14 minutes où M. Temer s'adresse au peuple brésilien a immédiatement été interprétée par les soutiens de la chef d'Etat comme une nouvelle preuve du coup d'Etat institutionnel en préparation. Dans le discours de ce responsable devenu opposant à la présidente, M. Temer avance que sa grande mission désormais est d'apaiser le pays, l'unification du pays. Il y appelle tous les partis à travailler ensemble pour sortir le pays de la crise économique et politique dans laquelle le géant émergent d'Amérique latine est profondément englué. M. Temer succèderait à Mme Rousseff jusqu'aux prochaines élections de 2018 si cette derni ère était destituée. Il pourrait même la remplacer beaucoup plus rapidement, si les députés votaient d'ici une semaine à une majorité des deux tiers la poursuite de la procédure devant le Sénat et si celui prononçait la mise en accusation de Mme Rousseff à la majorité simple. Dans ce cas, la présidente serait écartée du pouvoir pour une durée maximale de 180 jours en attendant le vote final des sénateurs sur sa destitution.