Il était une fois un couple qui vivait dans un bonheur parfait. Ils venaient juste d'avoir un bébé quand la guerre éclata. Le mari fut mobilisé et dut partir pour le front. Jour et nuit, la femme attendait le retour du mari en puisant sa force dans la présence de son enfant. Celui-ci grandissait et commençait à parler. Un soir, un violent orage éclata. Le tonnerre était assourdissant et faisait trembler portes et fenêtres. Pris de panique, l'enfant se mit à hurler. Pour le calmer, sa mère lui montra son ombre sur le mur et lui dit : «N'aie pas peur, voilà ton père ; il te protégera.» L'enfant regarda un instant l'ombre, puis s'inclina et dit : «Bonsoir, papa.» Rassuré, il s'endormit tranquillement. A partir de ce jour, l'enfant prit l'habitude de réclamer son père et de dire à ce dernier «bonsoir» avant son coucher, ce qui obligeait la femme à se pencher tous les soirs devant la lampe pour créer l'ombre bienveillante. La guerre se termina enfin. Le mari revint à la maison. Il découvrit avec émotion l'enfant qu'il avait quitté quand il était encore un tout petit bébé. Mais, au lieu d'embrasser son père, l'enfant le repoussa avec violence : «Laisse-moi tranquille, tu n'es pas mon papa. Mon papa vient tous les soirs. Et il ne parle pas.» Le mari, assommé de douleur et blessé dans son amour-propre, était persuadé que sa femme l?avait trompé avec un autre homme pendant son absence. Mais il décida de ne pas l'interroger. Le soir même, il quitta la maison sans rien dire à personne. Des jours et des mois passèrent et toujours aucune nouvelle du mari. La situation devenait de plus en plus pénible à vivre, d'autant plus que la femme n'arrivait pas à comprendre le comportement étrange de son époux. Désespérée, elle décida de mettre fin à ses jours en allant se noyer dans la rivière après avoir confié l'enfant à des proches. Ayant appris la mort tragique de sa femme, l'homme revint à la maison. Le soir, il mit son fils au lit et alluma la lampe. L'enfant, tout content de voir apparaître l'ombre sur le mur, s'écria : «Voilà mon papa. Il est revenu !»