Le feu est cet élément naturel à la fois recherché et redouté. C'est la chaleur bienfaisante à laquelle on expose son corps transi par le froid mais c'est aussi le feu de l'enfer qui, dit-on, consumera les méchants. L'enfer a bien un nom propre, Djahenama, la Géhenne, mais on l'appelle aussi nnar (le feu). Le feu de l'été, qui assèche la terre et brûle les êtres vivants donne un avant-goût de l'enfer : cha'alat nnar, dit-on (le feu est allumé), tekhradj nnar mn lard (le feu sort de la terre), etc. Ce qui justifie ces rapprochements, c'est, avant tout, la sensation de brûlure que l?on ressent quand on s'expose à la chaleur : h 'argu chems (le soleil l'a brûlé), th'eruget lard (la terre est brûlée) et même th'erguet ddenya (le monde brûle). Par métaphore, le feu et la brûlure désignent la passion aveugle : celle de la haine comme celle de l'amour. Qalbu meh'rug (son c?ur est brûlé) signifie qu'il est foIlement épris, et les poètes chantent, depuis toujours, nnar al h'ubb (le feu de l'amour). La haine prend, elle aussi, la forme des flammes du brasier et elle brûle les c?urs qu'elle embrase. L'envie est une autre «brûleuse» des c?urs : meh'roug 'âl ddrahem, littéralement il brûle pour l'argent, c'est-à-dire qu?il en a la passion. A un niveau plus prosaïque, hrag (brûler) signifie contredire quelqu'un, le prendre au dépourvu, le mettre dans une situation embarrassante : h'reg-ni, ma djawebnich (il m'a brûlé, il n'a pas répondu à ma question) h'argu b ziro (il l'a brûlé avec un zéro), c'est-à-dire il lui a flanqué un zéro, ma 'ârd'uhch, h'arguh (on ne l'a pas invité, on l'a brûlé) rah', h'argu (il est parti, il l'a laissé)... C'est à peu près le sens de l?expression française «brûler la politesse», c'est-à-dire partir brusquement, sans prendre congé. C'est aussi ce sens que l'on retrouve dans l'expression harraga (clandestin), le passager qui voyage en cachette, sans autorisation ni titre de transport, qui brûle en quelque sorte la politesse aux transporteurs !