Résumé de la 8e partie n Ne sachant quelle contenance adopter, Jenny resta sans mot dire, puis peu à peu elle vit sa physionomie s'adoucir. Le sourire le transforma complètement. Jenny avait pratiquement les yeux à la hauteur des siens. Ses bottes ayant sept centimètres de talon, elle supposa qu'il mesurait à peu près un mètre soixante-quinze. Son beau visage classique était dominé par des yeux bleus profondément enfoncés. Des sourcils épais et bien dessinés équilibraient un front presque trop large. Ses cheveux mordorés, parsemés de fils d'argent, bouclaient autour de sa tête, rappelant à la jeune fille l'effigie d'une vieille pièce de monnaie romaine. Il avait les mêmes narines étroites, la même bouche sensible que la femme du tableau. Il portait un manteau en cashmere beige, une écharpe nouée autour du cou. A quoi s'était-elle donc attendue ? Le mot ferme avait immédiatement évoqué pour elle l'artiste débarquant dans la galerie en veste de jean et bottes crottées. Elle sourit à cette pensée et revint à la réalité. C'était absurde. Elle restait plantée là à grelotter. «Monsieur Krueger...» Il l'interrompit. «Jenny, vous avez froid. Je suis impardonnable.» Une main passée sous son bras, il l'entraînait vers la galerie, ouvrait la porte devant elle. Il inspecta aussitôt la disposition de ses tableaux, tout en remarquant que les trois dernières toiles avaient heureusement fini par arriver. «Heureusement pour l'expéditeur», ajouta-t-il en souriant. Jenny le suivit pas à pas. Il passa tout méticuleusement en revue, s'arrêtant par deux fois pour redresser une toile d'un poil. A la fin, il hocha la tête, l'air satisfait. «Pourquoi avez-vous accroché Labours de Printemps à côté de Moisson ? interrogea-t-il. — Il s'agit du même champ, non ? demanda Jenny. J'ai cru sentir une continuité entre le fait de labourer la terre et celui d'assister à la moisson. J'aurais seulement désiré qu'il y eût aussi une scène d'été. — Elle existe. Je n'ai pas jugé bon de l'envoyer.» Jenny jeta un coup d'œil à la pendule au-dessus de la porte. Il était presque midi. «Monsieur Krueger, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais vous installer dans le bureau de M. Hartley. Il a fait réserver une table au Russian Tea Room à treize heures pour vous deux. Il ne va plus tarder. Pour ma part, je vais sortir pour aller avaler un sandwich.» Erich Krueger l'aida à enfiler son manteau. «M. Hartley mangera seul aujourd'hui, déclara-t-il. J'ai une faim de loup et l'intention de déjeuner avec vous. A moins, bien entendu, que vous n'ayez rendez-vous avec quelqu'un ? — Non, je m'apprêtais juste à prendre quelque chose de rapide au drugstore. — Allons au Tea Room. Je suis certain qu'ils nous trouveront une table.» A suivre