Réaction n Le président turc Recep Tayyip Erdogan a rejeté vertement les critiques des Occidentaux inquiets des purges massives en cours de semaine après le putsch raté, leur conseillant de «se mêler de leurs affaires». «Certains nous donnent des conseils. Ils se disent inquiets. Mêlez-vous de vos affaires!», a lancé M. Erdogan depuis son palais présidentiel à Ankara. «Ces pays dont les leaders ne sont pas inquiets pour la démocratie turque, ni pour la vie de nos citoyens et leur avenir alors qu'ils sont tellement préoccupés par le sort des putschistes, ne peuvent pas être nos amis», a-t-il ajouté. Le président turc a toutefois fait un geste de bonne volonté en affirmant abandonner les poursuites en justice lancées contre des personnes accusées de l'avoir insulté. Le grand «coup de balai» en Turquie s'est étendu, hier vendredi, au monde des affaires, avec de premières gardes à vue de dirigeants d'entreprise. Mustafa Boydak, président du conglomérat familial Boydak Holding, a été arrêté à Kayseri (centre), en même temps que deux dirigeants de son groupe. Des mandats d'arrêt ont également été délivrés contre l'ex-président de ce groupe qui a des intérêts dans l'énergie, la finance et les meubles, ainsi que contre deux proches. Vingt et un journalistes ont aussi comparu devant un tribunal, dont Nazli Ilicak, ancienne députée, licenciée du quotidien progouvernemental Sabah en 2013 après avoir critiqué des ministres empêtrés dans un scandale de corruption. D'autres journalistes ont été remis en liberté, dont Bulent Mumay, ancien éditeur du quotidien Hurriyet et figure connue du monde des médias. Le Premier ministre Binali Yildirim a, par ailleurs, affirmé que l'armée était maintenant «nettoyée» de ses éléments pro-Gülen, le prédicateur hier ami, aujourd'hui ennemi juré du président turc. Accusé du putsch par le président Erdogan sans qu'aucune preuve publique n'ait été fournie, le prédicateur septuagénaire Fethullah Gülen a démenti tout rôle dans le coup d'Etat avorté, depuis son exil américain. Mais ses sympathisants présumés sont les victimes d'une chasse aux sorcières radicale qui touche l'armée, les médias, la justice et l'éducation. Le chef de la diplomatie Mevlut Cavusoglu a assuré que l'armée turque continuerait la lutte contre le groupe djihadiste Etat islamique et sortirait renforcée de son remaniement, en réponse aux critiques «ridicules» du général américain Joe Votel, chef des forces américaines au Moyen-Orient. Le président Erdogan a accusé ce général de «prendre le parti des putschistes», des accusations démenties par le chef militaire américain. L'armée turque a subi un vaste remaniement après le limogeage de près de la moitié de ses généraux (149). «Toutes les bases, dont sont partis les hélicoptères et les chars, seront fermées», a annoncé le Premier ministre. «Nous éliminerons tous les risques de nouveaux putschs», a-t-il tonné devant la presse. A ce jour, plus de 18 000 personnes ont été mises en garde à vue à un moment donné, dont près de 10 000 sont poursuivies et placées en détention préventive, a dit le ministre de l'Intérieur, hier vendredi, et 3 500 ont été libérées. Quelque 50 000 passeports ont été annulés, une «précaution contre le risque de fuite des terroristes», a précisé un responsable turc, alors que la Turquie s'est installée dans l'état d'urgence pour trois mois.