Et, pour faire bonne mesure, des mandats d'arrêt ont été lancés contre 42 journalistes soupçonnés de travailler contre le pouvoir en place. D'après les communiqués des autorités turques elles-mêmes, le coup d'Etat raté a provoqué la mort de 270 personnes (179 civils, 62 policiers, cinq soldats et 24 putschistes) tandis que la riposte gouvernementale se poursuit sans relâche, ciblant tous les milieux soupçonnés d'avoir pactisé de près comme de loin avec les putschistes. Le tout dernier communiqué du ministère turc de l'Intérieur parlait de 15 846 personnes en garde à vue, soit 10.012 soldats, 2901 policiers et 2167 juges et procureurs. Parmi ces personnes, plus de 8000 (5266 soldats, 1019 policiers et 1684 juges et procureurs) sont en détention préventive, en attente de leur procès. Parallèlement à ces poursuites judiciaires, 51.322 fonctionnaires ont été démis de leurs fonctions, dont 42.767, exerçaient dans le secteur de l'éducation. Le gouvernement a également réclamé la démission de pas moins de 1600 doyens d'universités publiques ou privées, tandis que près de 21.000 personnes du secteur éducatif privé devraient voir leurs licences révoquées. Par ailleurs, 149 généraux et amiraux -parmi lesquels 87 hauts gradés de l'armée de terre, 30 de l'armée de l'air et 32 de la marine- ont été chassés de l'armée et près de 180 généraux placés en garde à vue alors que 151 autres sont toujours en détention préventive. Evidemment, le secteur des médias n'a guère été épargné par les foudres d'Erdogan. A titre d'exemple, les autorités turques ont d'ores et déjà procédé à la fermeture de 16 stations de télévision, 23 stations de radio, 45 journaux, trois agences de presse, 15 magazines et 29 maisons d'édition. Et, pour faire bonne mesure, des mandats d'arrêt ont été lancés contre 42 journalistes soupçonnés de travailler contre le pouvoir en place. Vingt-et-un autres placés en garde à vue ont été traduits devant un tribunal d'Istanbul, d'après Anadolu. Selon toute vraisemblance, il ne s'agit là que d'une étape avant la grande lessive promise par le régime Erdogan qui en escompte une mise au pas définitive de toute opposition dans un secteur particulièrement sensible. Cette purge de l'après-coup d'Etat en Turquie s'est en outre étendue hier au monde des affaires, avec la mise en garde à vue de trois industriels de premier plan, dans le cadre des enquêtes sur les réseaux du prédicateur Fethullah Gülen. Le remaniement radical de l'armée turque a été complété par l'annonce de changements au sein du haut commandement, à l'issue d'une réunion du Conseil militaire suprême à Ankara. Le porte-parole de la présidence, Ibrahim Kalin, a annoncé jeudi que le vice-chef d'état-major, le général Yasar Guler, allait prendre la tête de la gendarmerie et que le commandant de la 1ère armée, le général Umit Dundar, assumerait les fonctions de chef d'état-major adjoint. Le chef d'état-major, le général Hulusi Akar - pris en otage par les mutins pendant la tentative de putsch du 15 juillet - est confirmé à son poste, de même que les chefs des armées de terre, de l'air et de la marine, a ajouté M. Kalin. Des promotions rapides ont eu lieu pour combler le vide créé dans la hiérarchie de l'armée turque, la deuxième la plus importante de l'Otan. 99 colonels ont été promus au rang de général ou amiral et 47 généraux et amiraux immédiatement mis en retraite. Le haut commandement militaire était reçu hier par le président Recep Tayyip Erdogan, selon les télévisions. La purge des gulenistes présumés depuis le putsch raté a massivement touché l'armée, les médias, la justice et l'éducation. Le prédicateur septuagénaire Fethullah Gülen a démenti tout rôle dans le coup d'Etat avorté, depuis son exil américain. Mustafa Boydak, le président du conglomérat familial Boydak Holding company, a été arrêté par les forces de sécurité à Kayseri, dans le centre de la Turquie, en même temps que deux dirigeants de son groupe, a annoncé Anadolu. Ces arrestations sont apparemment les premières dans les milieux économiques en Turquie. Mustafa Boydak préside la Chambre de commerce de Kayseri, une ville qui fait partie des «Tigres d'Anatolie» et connaît un développement fulgurant depuis l'accession d'Erdogan au pouvoir.