Chéraga Nous sommes à Ouled Fayet, à la veille de l?Aïd el-fitr de l?année 2003. Un chien errant se faufile à travers le portail d?une maison de maître et va droit à un arbuste fraîchement planté ; il commence à creuser fébrilement dans la terre molle. La belle-mère de la maîtresse des lieux, qui se trouvait non loin de là, est intriguée par l?irruption de l?animal. Elle s?approche de lui, s?agenouille et se met à creuser aussi. Elle venait à peine de commencer qu?apparaît une main d?homme, pâle et glacée. La femme pousse un cri d?effroi et n?a pas le courage de continuer. Alertés par les hurlements, les voisins accoururent et se mirent à déterrer le cadavre. La femme n?en avait pas fini avec les mauvaises surprises, car le cadavre n?était autre que celui de son propre fils, Saïd ! Saïd était un policier et menait une vie des plus ordinaires. Sa femme Fatima attendait un second enfant. Saïd n?avait pas de secret pour sa femme, qui connaissait l?emplacement de son arme de service ; il lui permettait même de la manipuler, prétextant qu?elle devait savoir s?en servir en cas de danger. Le ramadan s?annonçait comme tous les autres, ordinaire. Saïd avait ses habitudes : il sortait tôt le matin pour ne revenir qu?à l?heure du f?tour. Aussitôt après, il reprenait son service pour ne rentrer se coucher qu?à l?aube. Des disputes, ce couple en vivait comme tous les autres, mais était-ce la raison qui avait poussé Fatima à échafauder ce plan machiavélique, dans l?intention de supprimer son conjoint, le père de ses enfants ? Toujours est-il que Fatima ressentait une telle rancune envers son mari qu?elle mit à exécution son plan macabre. Le soir fatidique, Fatima, non sans appréhension, guetta le retour de son mari tout en préparant le s?hour dans sa modeste cuisine. Elle est toute à ses pensées quand son mari fait irruption dans la cuisine. Elle ne peut s?empêcher de sursauter. Il prend son repas en compagnie de sa femme, qui paraît perturbée, mais il est trop fatigué pour s?en apercevoir. Incapable de veiller, Saïd se met au lit, laissant sa femme devant la télé. Fatima ne suit aucun programme, elle regarde défiler devant elle des images sans vraiment les voir. A pas de loup, elle regagne sa chambre et s?assure que son homme dort profondément. Voyant que sa respiration est calme et régulière, elle se saisit de l?arme que son mari cache à l?endroit habituel, puis empoigne un oreiller qu?elle place sur la tête de son mari avant de viser et d?appuyer sur la gâchette. Pour parachever son geste, elle ôte l?oreiller, se saisit d?une ceinture, l?enroule autour du cou du malheureux et serre de toute ses forces. Son forfait accompli, Fatima, à la vue des draps maculés de sang, sent le courage lui manquer. Prise de panique, elle réfléchit rapidement à la manière de dissimuler le corps. Elle décide alors de creuser une tombe dans la cour pour l?y enterrer. Sa besogne terminée, elle rentre à la maison pour nettoyer toutes les traces de sang. Plusieurs jours passent avant qu?elle n?aille signaler aux services de sécurité la disparition de son mari. Une enquête est aussitôt déclenchée. Un concours de circonstances va finir par faire découvrir le pot aux roses. A la veille de l?Aïd, Fatima sort faire quelques courses. Entre-temps, sa belle-mère, qui se trouvait dans la maison de son fils depuis qu?il n?avait plus donné signe de vie, eut l?attention attirée par ce chien errant qui creusait fébrilement. Un crime n?est jamais parfait. La nouvelle se répandit telle une traînée de poudre à travers la petite ville. Les habitants prirent soin de ne rien laisser paraître en voyant Fatima descendre du bus. Elle sera aussitôt cueillie par des policiers qui finiront par lui faire avouer son crime. Le jour du procès, le 3 octobre 2004, Fatima est condamnée à 15 ans de réclusion criminelle.