Près de 47 millions d'électeurs sont appelés à voter au premier tour demain 23 avril, puis au second tour le 7 mai, pour élire le nouveau président de la République française appelé à succéder au socialiste François Hollande. C'est la première fois qu'une présidentielle se déroule sous le régime de l'état d'urgence, instauré dans la foulée des attentats du 13 novembre 2015. Le chef de l'Etat est élu au suffrage universel direct, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Il doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés en un ou deux tours, quel que soit le taux de participation. Le vote blanc, qui permet d'exprimer un refus de choix, n'est pas reconnu en France. Depuis une loi de 2014, ces bulletins sont décomptés séparément des votes nuls et annexés en tant que tels au procès-verbal de chaque bureau de vote, mais ils ne sont pas pris en compte dans le calcul des suffrages exprimés. Le second tour opposera le 7 mai les deux candidats arrivés en tête au premier tour. Aucun candidat n'a été élu au premier tour depuis l'instauration, en 1962, du suffrage universel direct. L'investiture du nouveau président devra avoir lieu au plus tard le 14 mai, date d'expiration du mandat de François Hollande. Les électeurs devront choisir entre onze candidats, un de plus qu'en 2012, mais cinq de moins qu'en 2002, année record en termes de candidatures. Les quatre favoris se tiennent dans un mouchoir de poche: Marine Le Pen, 48 ans (Front National, extrême droite), François Fillon, 63 ans (Les Républicains, droite) Emmanuel Macron, 39 ans (En marche!, centre) Jean-Luc Mélenchon 65 ans (La France insoumise, gauche radicale) ont distancé dans les sondages le socialiste Benoît Hamon, 49 ans. Les autres candidats sont : les souverainistes Nicolas Dupont-Aignan, 56 ans, Jacques Cheminade, 75 ans et François Asselineau, 59 ans, les trotskistes Nathalie Arthaud, 47 ans et Philippe Poutou, 50 ans, le député et ancien berger Jean Lassalle, 61 ans. Plus de 50 000 policiers et gendarmes, appuyés par 7 000 militaires de l'opération Sentinelle (déployés en permanence sur le territoire national les attentats jihadistes de janvier 2015 à Paris), sont mobilisés. Présentée comme le meilleur rempart contre le terrorisme dans un pays choqué par les attentats, Marine Le Pen, qui avait déjà commencé à durcir le ton sur les thèmes de l'immigration et de la sécurité, espérant ainsi remobiliser ses troupes, est en léger recul dans les sondages à la veille du scrutin.Les derniers sondages publiés vendredi mais réalisés en partie avant l'attentat, donnent une très légère avance à Emmanuel Macron (23 à 24,5%), devant Marine Le Pen (22 à 23%), François Fillon (19 à 21%) et Jean-Luc Mélenchon (18 à 19,5%). Mais la faiblesse des écarts entre les candidats, l'inconnue du taux d'abstention et l'indécision de beaucoup d'électeurs rendent tout pronostic impossible concernant les deux candidats qui se retrouveront au deuxième tour le 7 mai. La campagne officielle a pris fin vendredi à minuit, interdisant aux médias de publier des sondages ou des déclarations des candidats jusqu'à l'annonce des premiers résultats demain à 18H00 GMT. Un effet marginal dans les urnes ? L'attentat ne devrait pas influer significativement sur le premier tour de l'élection présidentielle, estiment des analystes, qui relativisent l'hypothèse d'un vote réactionnel mais concèdent une potentielle prime à la marge pour Marine Le Pen et François Fillon. L'impact d'événements "sécuritaires" sur une campagne électorale en France n'a pu jamais être précisément mesuré, mais des concomitances ont pu être relevées, comme l'essor du Front national aux régionales de 2015 à la suite des attentats de Paris ou la qualification surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002 - 194.060 voix de différence avec le perdant socialiste Lionel Jospin -, deux jours après l'agression présumée d'un retraité de 72 ans. "L'affaire Merah en 2012 (l'auteur des tueries de Toulouse et Montauban qui avait fait sept morts-NDLR) n'avait pas eu un impact considérable sur la campagne et n'avait pas renforcé Nicolas Sarkozy contrairement à ce que certains avançaient à l'époque". L'arrestation, mardi à Marseille, de deux terroristes présumés qui visaient notamment François Fillon, "n'a pas eu l'impact qu'on attend normalement de ce genre d'événements, qui favorisent structurellement la droite". "On a vu au contraire François Fillon stagner et Marine Le Pen décrocher un peu". Les analystes mettent en avant la résilience de l'opinion, qui s'est habituée aux attentats comme "les Londoniens sous les bombardements allemands"."L'impact ne peut être que limité compte tenu de l'intériorisation par les Français de la menace terroriste", estime Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. "Les Français vivent peu ou prou avec l'idée que la campagne s'inscrit dans un contexte d'attentats potentiels". Le niveau d'alerte sera de fait maximal dimanche, sous le régime de l'état d'urgence, avec des mesures de sécurité spécifiques pour les 67.000 bureaux de vote. Aussi marginale que puisse être l'influence de la fusillade des Champs-Elysées, son retentissement médiatique a contribué à remettre au premier plan les propositions des onze candidats à la présidentielle en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, comme le déroulement bousculé de leur dernier grand oral télévisé l'a montré jeudi soir.