Résumé de la 1re partie 1965. Hélène Baret, 27 ans, se retrouve seule à élever cinq enfants en travaillant comme culottière, alors que dans le monde on parle de la libération de la femme. Valérie est là ; Valérie actionne la machine infernale de toute la force de ses petits bras, dans le noir, et Valérie parle à la machine, Valérie raconte des choses qui se sont passées à l'école, elle récite une litanie habituelle, faite de petits détails et d'insignifiances : ce qu'a dit la maîtresse, pourquoi elle n'aime plus sa voisine de classe, comment s'est passée la récréation. Valérie parle à la machine, car c'est une drôle de machine, elle ressemble à une grosse libellule métallique avec des hublots. Et dans cette machine, merveille de la technique, un petit corps est allongé, celui de Patrick, onze ans, le fils aîné d'Hélène. Il vit dans ce poumon d'acier depuis six ans, et c'est lui la peur d'Hélène. La polio l?a attaqué un jour, et Patrick ne peut plus respirer sans aide mécanique. Pour lui faire quitter l'hôpital, Hélène s'est battue jusqu'à obtenir la location de l'appareil à domicile. Ainsi, Patrick a pu retrouver la maison, ses frères et s?ur, et les frères et s?ur se sont habitués à discuter avec l'aîné, dans sa machine. Patrick y est enfoui complètement. On ne voit que sa tête, à l'intérieur d'un hublot transparent. Jour et nuit, la machine l'aide à respirer. Seul, il ne le pourrait pas, pas plus que quelques minutes en tout cas. Mais un poumon marche à l'électricité et, s'il n'y a pas d'électricité ou en cas de panne, il faut actionner une pompe manuellement, sans s'arrêter. C?est ce que fait Valérie, depuis qu'elle est rentrée. Tous les enfants, sauf le petit dernier, savent ce qu'il faut faire en cas de panne. Hélène leur a montré, expliqué. Elle a si peur, son édifice est si fragile. Pour avoir Patrick à la maison, elle doit réaliser un équilibre si complet, fait de tant d'impondérables... Une voisine qui surveille dans la journée, les enfants qui prennent la relève en rentrant de l'école, une infirmière qui passe tous les deux jours... C'est de la folie ! On le lui a tellement répété. La preuve : d'après le papier, l'électricité a été coupée à dix-sept heures trente de l'après-midi et les enfants, par chance, ont dû rentrer juste après. Il s'en est fallu de peu, de si peu ! Dans sa machine à hublot, Patrick fait une petite grimace et Valérie explique à sa mère qu'elle l'a trouvé en mauvaise forme en rentrant. La machine ne fonctionnait pas et Patrick respirait tout seul depuis un moment, avec difficulté. Mais maintenant tout va bien. Hélène a froid partout. La fatigue et la peur soudaine lui ont coupé les jambes. Il est trop tard pour courir expliquer la situation à la compagnie d'électricité, et de toute façon, même en payant, même en imaginant trouver l'argent d'ici demain, ils ne rétabliront pas le courant avant deux jours au moins. Tout se bouscule dans la tête d'Hélène et les problèmes s'entrechoquent. Ne pas travailler demain, trouver quelqu'un pour rester auprès de Patrick, chercher de l'argent, aller voir la compagnie d'électricité, se battre, se battre, toujours se battre ! Elle aurait dû s'en douter, elle aurait dû payer, ne pas attendre la fin du mois en faisant des prières. Il fallait demander de l'aide. (à suivre...)