Débat - Hôte de l'espace livresque Anep (librairie Chaïb Dzaïr), Abdelmadjid Merdaci, est venu dans la soirée de jeudi exposer son approche en tant que mélomane et chercheur sur la dimension nationale de la musique chaâbie. La pratique de ce genre musical originellement issu de la vieille médina, la Casbah d'Alger, El-Anka ayant été le maître incontesté, s'est enraciné en un faisceau d'orchestres à travers tout le territoire national. L'universitaire, qui, de sa thèse, a réalisé une publication dans la catégorie «beau livre», atteste que le chaâbi s'est mué par sa pratique comme vecteur rassembleur de toute la population algérienne unie dans les mêmes misères de la colonisation. Les attaches du chaâbi avec Constantine, la ville natale du conférencier, n'est pas à discuter, a-t-il précisé, étant donné la profusion d'orchestres et d'interprètes de renom s'adonnant à ce style musical depuis bien longtemps, mais malheureusement méconnus par les chaâbistes algérois. Rappelant que le chaâbi, dès son enfance, avait une résonnance intime pour lui, il est revenu sur le «fandouk» au cœur de la cité antique de Cirta où évoluait, bien avant les années 50, une formation musicale passionnée de chaâbi. S'inscrire dans ce corpus musical, c'était s'inscrire dans le mouvement nationaliste symbolisé par Messali Hadj, a-t-il signalé. Il ne fait pas de doute que la «TSF», ou le poste radio, dans les années 40 avec la diffusion des émissions radiophoniques destinées aux auditeurs algériens «les Elak» ou «missions» en langue arabe et kabyle, ont permis l'émergence d'un effet positif sur la promotion de la culture algérienne. Ce qui a affermi le socle du nationalisme symbolisé par Messali Hadj. Une conséquence à laquelle ne s'attendaient pas les autorités coloniales encore moins «la radiodiffusion française» dont les mécanismes étaient de «cloisonner la population algérienne». C'est grâce à cette «TSF», que le jeune Abdelmadjid Merdaci s'est ouvert au chaâbi mais également à tous les genres de musique du terroir. Au cours de son intervention, l'orateur a fait référence à Boudali Safir, homme de radio et l'un des fondateurs des sociétés musicales comme «El-Mossilia, El-Fakhardjia et El-Gharnatia». Il a également évoqué M'hamed El-Meddah «dont la discographie a été gravée sur des disques en ardoise», Bachir Hadj Ali le poète, militant et admirateur inconditionnel d'El-Anka, Mahboub Bati le père du chaâbi moderne, sans oublier la démarche initiatrice au début du XXe siècle des frères Roudoussi de La Casbah d'Alger pour la création de l'imprimerie Etthaâlibya. Cependant, et le détail est d'importance pour les férus du chaâbi, on apprend que «le mandol» a été introduit par El-Anka dans cette nouvelle expression lyrique aux intonations héritées de la musique Sanaâ. Un instrument devenu un symbole de ce genre musical «urbain». Leila N. l L'identité du chaâbi comme on pourrait le croire n'est pas d'origine «kabyle». L'universitaire freine quelque peu la légende qui laisse entendre que l'identité du chaâbi est d'origine kabyle. Eh bien non !. La musique chaâbie, musique urbaine par excellence, doit à sa naissance également «au facteur migratoire biskri et djidjelien» avec comme segment fondamental «le medh» ou chant religieux. La réflexion de Abdelmadjid Merdaci se conçoit comme une approche d'un corpus musical né certes en un lieu précis mais cependant a débordé sur toutes la régions du pays. Mostaganem, Blida, Jijel, Béjaïa, Constantine, Biskra, Médéa et bien d'autres régions ont su restituer l'âme du chaâbi grâce à de grands maîtres et s'entourer d'un public connaisseur. «Le chaâbi est une histoire algérienne, un marqueur du renforcement du lien national», a-t-il dit. Pour étayer ses dires, Abdelmadjid Merdaci donnera comme exemple les funérailles représentatives du regretté Amar Zahi qui ont drainé des admirateurs de toutes les wilayas.