Division - Le Kenya sera-t-il en mesure d'organiser une nouvelle élection présidentielle dans un mois ? Les experts en doutent, alarmés par les querelles et la confusion qui ralentissent le lancement du nouveau processus électoral. Le temps presse, les Kényans doivent de nouveau se rendre aux urnes le 17 octobre après que la Cour suprême eut annulé le résultat de la présidentielle du 8 août, mais les principaux acteurs ne parviennent pas à s'accorder sur la manière de procéder. «Les défis à relever sont assez extraordinaires», a mis en garde le militant anticorruption John Githongo, qui estime que la nouvelle date «ne semble pas plausible parce que nous demandons à des personnes qui ont déjà effroyablement échoué d'organiser une élection après un court laps de temps». Un des points de blocage provient du fait que les explications du jugement de la Cour suprême sont encore attendues. Sans elles, impossible de savoir quelles sont les irrégularités qui ont entaché le scrutin du 8 août, qui avait vu le président sortant Uhuru Kenyatta réélu avec 54%,27 des voix, contre 44,74% à l'opposant Raila Odinga. Le président de la Cour suprême, David Maraga, s'était contenté d'évoquer des «illégalités et irrégularités», notamment dans la transmission des résultats des bureaux de vote. La Cour a jusqu'au 22 septembre pour rendre le jugement complet, ce qui laissera peu de temps à l'IEBC pour éventuellement corriger le tir. «Tout cela est très incertain», a déploré le professeur de politique africaine de l'université de Birmingham (Grande-Bretagne), Nic Cheeseman. «On ne sait pas si la Cour suprême va dire quelque chose sur la technologie (employée), on ne sait pas si elle va directement pointer du doigt quelqu'un de l'IEBC», a-t-il expliqué. Cette personne «devra-t-elle être remplacée? Si c'est le cas, comment pourront-ils le faire dans les délais ?» L'opposition a déjà prévenu qu'elle boycotterait le scrutin d'octobre si ses exigences présentées à la Commission électorale (IEBC) - dont le renvoi de certains responsables, un changement de fournisseur de matériel électoral ainsi que la diffusion en direct des résultats de chaque circonscription - ne sont pas remplies, mais l'IEBC refuse de céder aux appels de l'opposition. «On s'attendait à ce que l'IEBC s'empresse de faire des réformes de fond. On attend encore», a fustigé samedi un éditorialiste du Daily Nation, mettant en cause une «impasse qui a paralysé (le processus) et créé la confusion dans l'esprit du public». Selon l'opposition, le système de transmission des résultats avait été piraté, et ceux émanant des bureaux de vote avaient été modifiés électroniquement en faveur de M. Kenyatta. L'entreprise française OT Morpho, qui avait fourni à l'IEBC le système de transmission des résultats, a assuré vendredi qu'un audit du système électronique utilisé pour compter les votes lors du scrutin présidentiel a prouvé qu'aucune donnée n'avait été manipulée ou piratée. Toutefois, malgré une injonction de la Cour suprême, l'IEBC n'a toujours pas donné l'accès à ses serveurs. En outre, selon un mémorandum interne où le président de la commission électorale, Wafula Chebukati, demande à son directeur exécutif, Ezra Chiloba, des explications, certaines défaillances dans la conduite de l'élection présidentielle ont été mises au jour. Pour Nic Cheeseman, l'IEBC ayant perdu sa légitimité, une solution pourrait venir de la négociation entre les camps rivaux afin qu'ils décident comment organiser une nouvelle élection. Mais les invectives se multiplient entre pouvoir et opposition, ce qui rend cette solution peu plausible.