Alors que la tension monte au Kenya, les premières estimations donnaient hier le président sortant, Uhuru Kenyatta, vainqueur du scrutin présidentiel L'opposant kenyan Raila Odinga a rejeté en bloc hier les résultats d'une élection présidentielle manipulée selon lui par piratage informatique, le sortant Uhuru Kenyatta étant crédité d'une confortable avance sur fond de tension de plus en plus palpable dans des bastions de l'opposition. Hier vers midi, la police a tiré des grenades lacrymogènes en direction de plusieurs centaines de manifestants ayant érigé des barricades et mis le feu à des pneus dans un quartier de la ville de Kisumu (ouest). Dans le bidonville de Mathare, à Nairobi, des manifestants ont dressé des barricades sur une route principale. La Commission électorale (Iebc) a publié hier à la mi-journée les résultats transmis électroniquement par 94,5% des bureaux de vote, créditant M. Kenyatta de 54,36% des suffrages, contre 44,77% pour Raila Odinga, sur un total de 14,4 millions de votes comptabilisés. «Il s'agit d'une fraude d'une gravité monumentale, il n'y a pas eu d'élection», a déclaré à la presse Raila Odinga, le candidat de la coalition d'opposition Nasa, des accusations qui, combinées aux manifestations, faisait ressurgir le spectre des violences de la présidentielle de 2007. Selon le rival de M. Kenyatta, des pirates informatiques ont «manipulé» l'élection à l'avantage du président sortant en prenant le contrôle du système de comptage des voix grâce aux codes d'accès d'un responsable informatique de la Commission électorale assassiné un peu plus d'une semaine auparavant. «Uhuru doit rentrer chez lui», a lancé celui qui avait également contesté ses défaites en 2007 et 2013. M. Odinga a soutenu être en tête de l'élection, et a également appelé les Kenyans au calme avant toutefois d'ajouter: «Je ne contrôle pas le peuple». Le président de l'Iebc, Wafula Chebukati, a qualifié l'élection de «libre et juste» et souligné que les résultats publiés en ligne, sur la base de transmissions électroniques depuis les bureaux de vote, ne sont pas «définitifs». La commission va rassembler les copies originales des procès-verbaux de résultat de chacun des bureaux de vote avant de publier ces résultats définitifs, un processus qui pourrait prendre plusieurs jours, a-t-il dit lors d'une conférence de presse. «Pour l'instant, je ne peux pas dire si ce système a été piraté ou non», a en outre déclaré M. Chebukati au sujet du piratage informatique évoqué par l'opposition. Pendant ce temps, à Kisumu (Ouest), un des bastions de l'opposition, des centaines de partisans de M. Odinga avaient érigé des barricades et mis le feu à des pneus. «Si Raila n'est pas président, nous ne pouvons pas avoir la paix», a vitupéré l'un d'eux avant que les gaz lacrymogènes de la police ne dispersent la foule. Candidat pour la quatrième fois à la présidentielle, M. Odinga avait crié à la fraude en 2007 à l'annonce de la réélection du président Mwai Kibaki. Le Kenya avait alors plongé dans deux mois de violences politico-ethniques et de répression policière ayant fait 1 100 morts et plus de 600 000 déplacés. En 2013, M. Odinga avait dénoncé des fraudes après la victoire dès le premier tour de M. Kenyatta. Il avait saisi la Cour suprême, qui avait tout de même validé les résultats. Hier matin, les rues de Nairobi étaient anormalement calmes. Dans le bidonville de Kibera, largement acquis à l'opposition, plusieurs véhicules de la police anti-émeute étaient déployés. En amont du scrutin, qui a donné lieu au déploiement sans précédent de plus de 150 000 membres des forces de sécurité, de nombreux observateurs avaient exprimé leur crainte de troubles à l'annonce des résultats de la présidentielle. Car la campagne 2017 a été acrimonieuse, l'opposition n'ayant eu de cesse d'accuser le pouvoir de préparer des fraudes. Les opérations de vote s'étaient pourtant déroulées sans encombre mardi dans la plupart des 41 000 bureaux, où les Kenyans se sont déplacés en grand nombre. Surtout, malgré quelques problèmes localisés, le système d'identification biométrique des électeurs a semble-t-il fonctionné normalement, contrairement à quatre ans plus tôt.