Débat - Des spécialistes africains de l'édition et de la littérature ont exhorté, lors d'une rencontre animée lundi au Sila, les professionnels du livre à élargir le lectorat africain en abattant les «barrière mentales» entre le nord, le sud et l'ouest du continent et en facilitant la circulation des ouvrages. Les intervenants à cette rencontre, organisée à l'espace «Esprit panaf» du 22e Salon international du livre d'Alger (Sila), ont encore une fois rappelé le constat de l'état de la littérature africaine où auteurs du Maghreb et d'«Afrique noire» se retrouvent «séparés» par des barrières mentales. Une situation qui réduit encore plus les marchés et le lectorat, même si ces littératures restent cependant «très proches» de par leurs contenus. Appelant à la facilitation de la circulation des livres entre pays africains, les participants jugent cette ouverture «très bénéfiques pour les auteurs et éditeurs». Une démarche qui œuvre à élargir le marché et permettre l'émergence de «nouvelles plumes qui existent déjà» mais qui ont, malheureusement, «besoin d'une légitimité occidentale pour exister». Cette libre circulation permettra, selon l'auteur et poète sénégalais Racine Senghor, de mettre en place un espace d'échanges et de débat entre auteurs qui doivent se faire le «miroir de leurs société respectives» et «sortir de l'image renvoyée par les médias occidentaux». Racine Senghor et l'écrivain congolais Joss Doszen ont également proposé l'institution de prix littéraires africains pour asseoir une «légitimité» littéraire continentale, intégrant également les langues nationales, autres que celles imposées par l'Occident et la France particulièrement. Joss Doszen a cité l'exemple d'un prix sénégalais, créé par un éditeur, et qui a vu la participation d'auteurs de plusieurs pays du continent en quête de nouveaux marchés au Sénégal. Ces propositions permettraient l'émergence d'expressions littéraires sur le continent, autres que celles légitimées et consacrées par l'Occident dans les années 1960. L'auteur sénégalais a ainsi cité l'exemple de Léopold Sédard Senghor, Kateb Yacine et Assia Djebbar, auteurs qui constituent l'essentiel des référents littéraires africaines. Evoquant le marché du livre africain, l'éditeur sénégalais Abdoulaye Dialo a affirmé que son pays n'a d'échos de ce qui se fait au Maghreb que «par les médias occidentaux». Il a, par ailleurs, relevé la faiblesse des œuvres littéraires pour adolescents dans le catalogue continental, ce qui constitue, selon lui, un marché porteur à investir pour «préparer le lecteur adulte de demain». Rebondissant sur ces propos, Joss Doszen a affirmé qu'il existe un réel vide entre le livre pour enfant (5-11 ans) et le livre destiné à un lectorat adulte, même si ce créneau demeure «dévalorisé», ce qui pousse certains éditeurs africains à créer des «auteurs sur commande». Parlant des espaces d'échanges, comme le Sila, les auteurs présents, dont le Guinéen Mohamed Lamine Camara, ont regretté l'absence des éditeurs algériens à ce genre de rencontre, ainsi que celle «très remarquée» des étudiants et universitaires. Inauguré jeudi, le 22e Sila se poursuit jusqu'au 5 novembre avec plusieurs autres rencontres au programme de l'espace «Esprit panaf» abordant l'édition et la littérature en Afrique.