Pour la septième année consécutive l'Afrique s'est s'invitée au Salon international du livre d'Alger (Sila). Créé en 2009 dans le sillage du 2e Festival Panafricain qui a été organisé par l'Algérie, l'Espace Esprit Panaf fait partie des incontournables du Salon. Il réunit chaque année des dizaines d'écrivains, hommes de lettres et éditeurs africains. Ce stand n'a pas tardé par se faire connaître du public algérien, qui a découvert les cultures et identités africaines, ainsi que ses attaches avec ce continent auquel nous avons souvent tourné le dos. Pour les invités comme pour les organisateurs, l'Espace Esprit Panaf est avant tout le projet de tout un continent engagé pour son avenir et devenir économique en général, et culturel en particulier, le marché de la production artistique étant aujourd'hui aux mains de géants et majors occidentaux. Comme l'explique Lydie Bendebi des éditions Flamboyant du Benin, «le livre africain produit localement est un acte de résistance face à l'Occident, mais aussi une opportunité économique. Toute initiative est à encourager. La coproduction Afrique-Afrique, elle aussi, doit être encouragée. Il est question de notre culture, mais aussi de notre avenir». De son côté, Karim Chikh, animateur du stand, explique que «l'Espace est réfléchi avant tout comme une plateforme, une tribune d'échanges et d'expression, pour les acteurs culturels africains de tous les bords et tous les styles». D'ailleurs, chaque année, de nouveaux talents font leur entrée à l'Esprit Panaf, ce qui ne manque pas de réjouir les amateurs de littérature haute en couleurs et émotion. Le renouveau est un enjeu de taille pour M. Chikh : «Cet intervalle est aussi une plaque tournante qui ne veut en rien se figer sur un tel ou tel auteur. Notre but est de faire voyager les Algériens dans les splendeurs littéraires du continent.» Aussi, un appel est-il lancé à tous les éditeurs algériens à rejoindre cette initiative et à publier les auteurs africains. «Je lance un appel à tous les éditeurs algériens. L'Afrique a besoin de toutes ses forces productives, et j'insiste sur le fait que l'Espace Esprit Panaf n'est pas une antenne des éditions Apic dont je suis le directeur», dira M. Chikh. Tous les éditeurs présents sur place font le même constat amer : «Les Africains ne se connaissent pas.» D'où l'importance d'un espace consacré à l'Afrique dans un des plus grands Salons du livre du continent. Interrogées sur place, Lydie Bendebi et Elisabeth Daloul qui représente une maison d'édition tunisienne, estiment que «seule l'édition pourra rapprocher les peuples du continent Noir, et les pousser dans une dynamique d'un avenir commun». L'enthousiasme des rencontres entre les professionnels qui sont déjà en train de dessiner des projets de coproduction, est prometteur, tout autant que celui du public fasciné par la richesse des productions africaines. «Si aujourd'hui je produis des auteurs algériens c'est grâce à cet espace», dira Gerard Housseau. Nos cultures, nos patrimoines, nos futurs, nos littératures et nos langues africaines sont les thèmes sur lesquels les invités de l'Espace se sont penchés lors des différentes tables rondes que le stand a accueillies. Et le maître-mot de chacun des intervenants et des participants sera : «Aujourd'hui l'Afrique est à nous. Le temps est à nous. La résistance est en nous. Maintenant, c'est à nous de construire.» Chacun des auteurs présents sur place estime que si l'Afrique ne se prend pas en mains, elle s'offrira au néocolonialisme et l'orientalisme. Adamo Ide Ario, un poète Nigérien, dira à ce propos : «Nos classiques littéraires ont en commun la lutte anticolonialiste. Mais, aujourd'hui, nous avons de nouvelles donnes et nos devons être unis pour pouvoir affronter cette écriture sans perdre nos identités, surtout que nous travaillons avec la langue française. Mais on doit rappeler que cela ne fait en rien de nous des écrivains français, nous sommes Africains et nous avons adopté et adapté cette langue à nos personnages.» «La littérature africaine a besoin d'avoir les pieds sur terre. Nous, les écrivains, on veut que les éditeurs africains créent un réseau de production locale. Mais il faut croire que certaines forces ne veulent pas que cela se fasse», ajoutera le poète. T. M.