Résumé de la 1re partie A Monte Carlo, en 1901, la princesse russe Tovarov exige du directeur d?un grand palace d?organiser un «bal du demi-monde», c?est-à-dire avec des gigolos et des gourgandines comme invités. L'agent immobilier commence par refuser, car la villa est à vendre et la propriétaire absente. Il ne peut pas prendre l'initiative de la louer, pour une seule nuit qui plus est. Mais comme la princesse annonce que le prix ne compte pas, le brave homme finit par la lui louer un prix exorbitant : cinq mille francs-or de 1900 pour une seule nuit, c'est autant que pour six mois, mais la princesse répond : «Marché conclu ! Je paie d'avance.» Et, comme il faut bien fixer une limite, elle signe un contrat pour une location d'exactement douze heures, du 31 décembre 1900 à sept heures du soir, jusqu'au 1er janvier 1901 à sept heures du matin. Le bal du «demi-monde» a donc lieu. De nos jours, soixante-dix-huit ans plus tard, à Monaco, les plus vieux en parlent encore. Les princes, les grands-ducs, les gigolos, les archiduchesses, tout ce monde et tout ce demi-monde, enivré de champagne et de vodka piquée, passent une nuit totalement délirante, et l'on s'amuse énormément. On s'amuse tellement qu'à six heures du matin, la princesse Tovarov n'a plus envie du tout de renvoyer ces gens ! Or, elle n'a loué la villa que jusqu'à sept heures du matin et trouve inacceptable d'arrêter la fête ! Dans l'euphorie que l'on imagine, elle envoie ses domestiques chercher l'agent immobilier. Qu'ils réveillent et traînent ce commerçant avant sept heures, a ordonné la princesse. Le malheureux arrive à 7 heures moins 10, ébouriffé et en pyjama, car les domestiques ne lui ont même pas laissé le temps de s?habiller. Son apparition, dans cette ambiance, déclenche une énorme hilarité. Mal réveillé, car il a encore moins eu le temps de prendre un petit-déjeuner, il refuse une coupe de champagne et roule des yeux ahuris. La princesse Tovarov réclame le silence, vide la coupe que l'homme vient de refuser et l'envoie exploser sur le piano. Enfin, d'un ton impérial, quoique nettement pâteux, elle lui annonce : «Monsieur l'agent immobilier, nous voulons continuer le bal, j'achète la maison ! Combien ?» Explosion de joie et délire général. Sauf pour l?agent immobilier qui, dans le tumulte, s'efforce d'ergoter un peu : «Mais enfin, Altesse, à cette heure-ci... Le contrat... Les frais !» A 7 heures moins 3 minutes, l'Altesse lui glisse le chèque demandé dans la poche de son pyjama. A 7 heures et 1 minute, complètement réveillé, il repart avec une somme énorme. Dans la villa Les Mimosas, la princesse Tovarov enlève un de ses souliers, le remplit de champagne, s'écrie : «La fête continue !» Elle vide le soulier d'un trait et le lance contre le piano, où il n'explose pas, mais peu importe. C'est beau, et tout le monde en fait autant. Vers cinq heures de l'après-midi, les domestiques referment enfin les volets. Debout dans sa calèche, la princesse a encore la force d'articuler : «Alexandre... à l'hôtel !» et s'écroule sur la banquette. Pour dire les choses comme elles sont, ce n'est pas l'alcool qui l'a achevée, mais l'air frais. Seize ans plus tard, une vieille dame réapparaît en Principauté de Monaco. Nous sommes en 1917. Elle a échappé de justesse aux révolutionnaires et n'a littéralement plus le moindre sou. Elle demande au directeur du palace, qui lui aussi a vieilli, s'il n'aurait pas pour elle un petit emploi, en souvenir du passé. Le directeur a du mal à reconnaître, avec ses rides et ses cheveux gris, la princesse Tovarov et il demande, étonné : «Mais... et votre maison ? ? Quelle maison ?» Car non seulement elle avait oublié, mais elle ne se rappelait même plus avoir acheté une maison. Il fallut l'y conduire, car elle aurait été incapable de la retrouver. Seize ans après, elle a rouvert les volets et retrouvé le salon exactement comme elle l'avait laissé, avec les verres brisés et le piano ouvert. Et c'est alors seulement qu'elle a découvert que la maison était immense. Grâce à quoi elle put y louer vingt chambres meublées, tout en gardant le rez-de-chaussée pour elle. C'est ainsi que Son Altesse la princesse Tovarov a paisiblement fini ses jours au soleil, là où, comme la cigale, elle avait dansé.