Désolation Autrefois appelé localement Bou-Hammou, Souk Lakhmis jouissait d?une renommée qui dépassait les limites de la région. Aujourd?hui, il ne reste qu?un semblant de souk marginal et les souvenirs d?un passé glorieux et mythique, mais révolu. Situé au pied des premiers contreforts du Djurdjura, dans la commune d?Illoula-Oumalou, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Tizi Ouzou, Souk Lakhmis est une «agora» qui se meurt chaque jour un peu plus et voit son prestige disparaître au fil des ans. Les jours de semaine, il ressemble à une bourgade sans vie, et les jours de marché, les jeudis, il donne l?impression d?un souk à l?agonie tellement sa consistance paraît amoindrie et sa densité sérieusement entamée. Délaissé par ses propres enfants et boudé par ses amis et habitués, Bou-Hammou n?a pas échappé au vent fatal de la modernité qui a soufflé sur tous les souks traditionnels de la montagne à l?instar de Souk El-Had de Illilten, dans la région de Aïn El-Hammam, situé, lui, sur le flanc même du Djurdjura. Cette descente inexorable dans le monde de l?oubli s?explique, selon des natifs de la région, par l?absence de prise en charge de la part des autorités locales qui n?ont fourni aucun effort pour réhabiliter et moderniser le site depuis plus de vingt ans. Et même si ce marché hebdomadaire constitue la seule valeur sûre de la commune d?Illoula-Oumalou, en étant pratiquement son unique ressource financière, les autorités communales n?ont fait aucun investissement susceptible de pousser les gens à s?y installer afin de l?animer et de maintenir son rang de souk important. Ainsi, aujourd?hui, toutes les boutiques de fortune construites durant les années 1970 sont fermées et abandonnées, tous les espaces que le souk possédait jadis se sont réduits comme une peau de chagrin. Des indus occupants squattent certaines parties, des riverains particuliers ont tous récupéré leurs terrains, le souk paraît ainsi exigu les jours de marché à cause des voitures et des camions qui se garent dans les quelques espaces longeant la route qui le traverse. Mais l?abandon de ce «patrimoine» n?est pas, de l?avis de certains, la seule raison qui a fait que Souk Lakhmis dérive vers la disparition. Le développement des moyens de transport public et particulier y est pour quelque chose. Cette nouvelle donne favorise, en effet, les marchés des villes environnantes qui ont pris le pas sur les souks traditionnels. La «démocratisation» de la voiture et autres véhicules de transport de marchandises et de bétail a rétréci les espaces. Les villes de la région, en l?occurrence Azazga au nord et Akbou au sud, de l?autre côté de la montagne sont à moins d?une heure de route. C?est pourquoi les gens préfèrent se rendre aux marchés de ces villes, plus spacieux et mieux fournis en marchandises, plutôt que de se contenter d?un «petit souk» dépassé par les événements. Cependant, cette réalité palpable ne doit pas, selon les nostalgiques et les fervents défenseurs de la tradition, dispenser les autorités locales du devoir d?assumer leur responsabilité dans la réhabilitation et la modernisation du Souk Lakhmis. Son rang et son prestige d?antan qui ont fait naguère sa réputation et sa légende, ne doivent pas subir les contrecoups d?une modernité sauvage matérialiste et sans âme. «C?est un pan de notre patrimoine qu?on doit sauver», dira l?un d?eux. Alors y aura-t-il une oreille attentive qui entendra cet appel avant que ce ne soit trop tard ?