Astuce Abdelatif Benachenhou avait-il eu l?ingénieuse idée de mettre la barre très haut pour avoir juste ce dont il avait besoin ? C?est-à-dire un seul mais précieux dinar ? Un dinar. Seulement un dinar à ajouter dorénavant au litre du gasoil, ce liquide qui, depuis l?annonce du premier argentier du pays de vouloir indexer une taxe de 5 DA au projet de loi de finances 2005, a fait couler beaucoup d?encre. Le verdict «tarif minimum» qui a sanctionné, hier soir, dans l?hémicycle Rabah-Bitat, le bras de fer teinté d?exubérance entre Benachenhou et les députés, n?aura a posteriori été qu?une sorte de fardage, sans plus. Qui a gagné, hier, la bataille de l?hémicycle ? Est-ce le gouvernement qui se dit soucieux de doper le Trésor public tout en évitant de toucher au cordon de la manne pétrolière, estimée à quelque 40 milliards de dollars qui, dit-on, s?est constituée en réserves de change pour faire face éventuellement à des lendemains incertains, ou alors des députés, partis en rangs dispersés pour parler uniquement «social» ? Hier, la tempête s?est estompée. Au lieu des 5 DA, les députés n?ont cédé qu?un dinar au ministre des Finances, un autre sur l?eau minérale ; ils ont gagné la bataille des 7% de TVA sur l?importation du médicament ; ils ont réussi aussi à faire abroger l?article 66, véritable épée de Damoclès sur ceux qui cumuleraient trois mois d?arriérés de loyer sur le logement. Il y avait évidemment d?autres «avantages» comme la reconduction de l?importation des voitures de moins de trois ans ou l?annulation des 5 000 DA de taxe sur chaque hectare de terre agricole irrigué. Mais ces acquis ne constituent-ils pas une maigre moisson par rapport à celle de Benachenhou qui, et ce n?est pas sorcier à deviner, a sans doute bâti ses projections autour de 1 DA ? Les députés s?obstinaient alors à limiter les «dommages collatéraux» que cette taxe de 5 DA, contraignante à bien des égards, pouvait, le cas échéant, avoir comme impact direct. L?effet d?annonce était inexorablement si immense que la hantise allait crescendo et l?on avait ce jour-là toutes les raisons du monde de redouter une flambée des prix. On citait pêle-mêle l?envolée des prix des transports des personnes et des marchandises, les prix des fruits et légumes et tout ce dont cette petite poignée de dinars de plus devait avoir comme sérieuses incidences. A première vue, ce «tarif minimum», au-delà duquel l?Exécutif refusait sobrement toute concession est en soi une «victoire», une sorte de pied de nez plein de sarcasme réussi par Benachenhou qui, de toute évidence, savait, en économiste averti, que pour avoir le minimum ? sans doute ce précieux petit dinar ? il lui fallait mettre la barre très haut et qu?un dinar de plus à grignoter sur le litre de gasoil et un autre sur l?eau minérale pourraient suffire à eux seuls à renflouer des caisses de l?Etat, déjà trop pleines, mais dont on se prive pour ne pas altérer, comme l?envisage le ministre des Finances, les grands équilibres financiers. Benachenhou, en fin stratège, savait-il peut-être aussi que pour faire passer sa loi frappée du sceau de l?austérité, il lui fallait saupoudrer les débats de détails sur lesquels une kyrielle de députés devait pinailler et éviter du coup le débat houleux qu?aurait enclenché par exemple la très encombrante question de savoir pourquoi continue-t-on à prendre 19 dollars comme prix de référence du baril du pétrole alors qu?à l?heure actuelle on parle d?embellie financière ?