Philosophie «Je ne m?habille pas en homme pour tromper, mais pour chercher la vérité», ne cessait de dire la mystérieuse femme. Mythe, légende, réalité : Isabelle Eberhardt est tout cela à la fois. Elle vécut en Algérie à la fin du siècle dernier, en rupture avec les m?urs de son temps. Après avoir embrassé la religion musulmane, adopté le vêtement arabe et l?identité masculine, elle mène une vie de rebelle itinérante, une vie plongée dans l?ivresse de l?époque, une vie en quête d?elle-même au milieu des dunes et des sables. Isabelle Eberhardt, ou «Si Mahmoud Saadi», était une femme de lettres, une voyageuse qui défendit les fellahs et s?éleva contre le colonialisme à travers ses écrits et ses correspondances avec les journaux. «(?) Chercher la vérité et la transmettre, car mon métier est d?écrire.» Née à Genève le 17 février 1871, fille de réfugiés russes, Isabelle grandit dans un environnement multiculturel où elle apprend plusieurs langues, y compris l?arabe et le kabyle. A 18 ans, en 1889, elle publie sa première nouvelle dans divers journaux où elle décrit l?Algérie qu?elle n?avait pas encore visité (ses deux frères étaient engagés en Algérie). En mai 1897, elle fait son premier voyage en Algérie avec sa mère ; elles se convertissent toutes les deux à l?islam. Par la suite, elle perdit sa mère, son frère, puis son père ; elle alla en Tunisie puis regagna l?Algérie. Déguisée en homme (burnous et turban), Isabelle (Si Mahmoud) parcourt le Sud algérien et vit avec les bédouins. «Je ne m?habille pas en homme pour tromper mais pour chercher la vérité et la transmettre car mon métier est d?écrire.» Slimane, un soldat des corps de cavalerie indigène de l?armée française en Afrique du Nord, entra dans la vie d?Isabelle et ils décidèrent de se marier. Un mariage refusé par les autorités françaises, qui obligèrent Isabelle à quitter l?Algérie. En mai 1901, elle gagna Marseille, où elle finit, six mois après, le 17 octobre, par obtenir l?autorisation de se marier civilement avec Slimane à Marseille. En janvier 1902, elle reprit ses voyages dans le désert algérien, et s?installa à Aïn Sefra avec son mari en 1903. Elle y mourut, emportée par l?oued qui a inondé la ville le 21 octobre 1904, vêtue d?un habit de cavalier arabe. «Noyé au milieu des sables, le désert m?a possédé.» Elle se désignait dans ses écrits et ses lettres au masculin. Isabelle vécut aussi à El-Oued où elle avait une maison à la cité Ouled-Ahmed, un très vieux quartier, à El-Bhima et à Amiche, actuellement Robbah. Ecrivain, elle était fascinée par la nature et les paysages majestueux du Sahara. Elle guettait le coucher et le lever du soleil derrière la coupole de Sidi-Salem. Elle était si attachée à Oued Souf au point d?avoir baptisé son cheval Soufi. «Je suis à El-Oued depuis le 2 août dernier et je ne prévois nullement la fin de ce séjour. Au contraire, il a l?air de prendre des allures de plus en plus définitives? Je pourrai attacher définitivement mon existence à cette oasis qui m?est devenue familière et chère? Je vais de temps en temps à la zaouïa d?Amiche ou à Guemmar.» Isabelle laissa plusieurs ?uvres et manuscrits, dont quelques-uns ont été publiés après son décès comme : Dans l?ombre chaude de l?Islam (1906) ; Notes de route (1908) ; Pages d?Islam (1920) ; Le Trimardeur (1922) ; Mes Journaliers (1923) ; Contes et paysages (1925) ; Au Pays des sables (1944). «Je ne suis qu?une originale, une rêveuse qui veut vivre loin du monde, vivre de la vie libre et nomade, pour essayer ensuite de dire ce qu?elle a vu et peut-être de communiquer à quelques-uns le frisson mélancolique et charmé qu?elle ressent en face des splendeurs tristes du Sahara», a conclu Isabelle.