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La sempiternelle question d'espionnage
A propos du livre sur Isabelle Eberhardt
Publié dans Liberté le 19 - 01 - 2009

Dans son article “Hommage : un siècle après la disparition d'lsabelle Eberhardt”, paru dans le n°11 de la revue du Haut Conseil islamique, Les Etudes islamiques, M. Rochd a pris la peine de consacrer plus de huit pages à la critique de mon ouvrage intitulé Isabelle Eberhardt et l'Algérie (Barzakh - Alger - 2005).
Que l'on me permette, avant d'entrer dans le vif du sujet, de citer un passage de mon livre (p. 224) se rapportant à M. Rochd, chose qui permettra, je pense, d'avoir une plus juste idée de la perspective dans laquelle se situe le débat : “Nous respectons M. Rochd pour sa patience infinie et la somme d'efforts, consentis durant plus de vingt ans, dans la recherche et la mise au point des textes originaux d'lsabelle. Nous respectons le concitoyen, le coreligionnaire d'origine européenne, qui a changé de nom, s'est converti à l'lslam, a fondé une famille et a vécu dans le Sud-Ouest toute sa carrière de professeur... Mais il apparaît que, pour ce point précis (connaissance d'Isabelle), le chercheur objectif ait cédé la place à l'homme qui, ayant un destin presque parallèle à celui d'lsabelle, n'a pas hésité, dans un mouvement d'indulgence, à absoudre la jeune femme de tout "péché d'espionnage". Sinon, comment comprendre qu'il puisse affirmer qu'lsabelle n'a joué aucun rôle dans le programme de Lyautey.” En outre, je tiens, au nom de mon éditeur, à présenter mes excuses à M. Rochd, pour I'omission de son nom dans la partie bibliographique de mon ouvrage — ce que je crois être une simple négligence au moment de la mise en forme — et dont je n'ai pris connaissance qu'après sa parution. Enfin, au nom de mes concitoyens, je réitère mes remerciements à M. Rochd pour avoir sauvé de l'oubli le texte de Sidi Boutkhil.
M. Rochd s'est appesanti sur des détails subsidiaires — sur lesquels je réponds point par point plus loin — en évitant soigneusement de parler de l'essentiel, à savoir le problème sensible de l'espionnage, qu'il ne fait qu'effleurer en signalant que je m'étonne que cette question soit traitée en quelques lignes par E. Charles-Roux.
Pourtant tout est là ! On ne peut, dans le cadre de cet article, revenir longuement sur la question de l'espionnage, laquelle a été traitée dans mon ouvrage (p. 179 à 233). Qu'il suffise de savoir que je reprends les détails des déplacements d'Isabelle dans le Sud, que je souligne le fait primordial qu'il n'y a pas de trace écrite prouvant l'implication de la jeune femme — Lyautey ayant fait le vide derrière lui —, que je montre la méthode utilisée par les services de renseignements du territoire sous autorité militaire avec les agents occasionnels et que j'expose sereinement les opinions des auteurs, partisans ou adversaires de la thèse d'espionnage, pour dire à la fin, ce que, à mon sens, il fallait en penser.
Je souligne l'exagération de l'Anglaise C. Mackwort, qui a voulu, à tout prix, faire d'lsabelle une redoutable espionne à l'égale de Lawrence ou de Mata Hari, et rapporté les positions des deux partisans de la thèse contraire, à savoir qu'Isabelle est blanche comme neige : E. Charles-Roux et M. Rochd. Pour la première, je note que le problème d'espionnage est expédié en six lignes dans un ouvrage qui compte près de six cents pages sous prétexte qu'il n'y a pas de preuve ; je développe mes arguments et me pose la question, compte tenu du fait que c'est son grand-parent Jules Charles-Roux qui a recommandé Lyautey pour le poste d'Aïn Sefra (c'est elle-même qui le rappelle - N. j. p. 459), si elle ne s'est pas abstenue volontairement de “creuser” ce volet de la vie d'lsabelle. Pour M. Rochd, la cause est entendue : il n'y a rien à reprocher à Isabelle. Pourtant, et je le souligne (p. 225), lui-même écrit en 1991 qu'elle conversait “librement avec le général et ses adjoints” qui ont très probablement tiré “profit” de ce qu'elle disait. Bref, mes conclusions sont que, en ce qui concerne le problème d'espionnage, on ne peut en accuser Isabelle pour ce qui est du territoire algérien, mais qu'elle s'en est rendue coupable, de façon directe ou indirecte, lors de ses deux déplacements à Figuig et de son séjour à Kenadza — I'on pourra toujours rétorquer qu'en tant que reporter, elle était obligée de collaborer avec l'armée qui lui a donné les autorisations de déplacement. Quant à la propagande, Isabelle l'a toujours pratiquée auprès des Algériens, à Aïn Sefra et Beni Ounif, et même lorsque, auparavant, elle était en mauvais termes avec l'armée, comme à El Oued, ou avec les colons, comme à Ténès, car, à l'époque, I'idée d'émancipation dans le cadre de la domination française était largement répandue. Il apparaît que certains s'accrochent encore à l'image d'une Isabelle Eberhardt sans tache et sans reproche. L'histoire de cette jeune femme n'est qu'une goutte d'eau dans notre histoire, trois fois millénaire, et nous n'allons pas en faire une affaire d'Etat. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et l'Algérien d'aujourd'hui, débarrassé de tout relent de paternalisme culturel, n'a plus à tenir compte d'une vision des choses imposée par ceux qui ne semblent pas se rendre compte que l'Algérie de Papa, c'est terminé. Nous avons là une écrivaine qui, comme tout être humain, a des défauts et des qualités et qui fait partie de notre patrimoine. Mais nous voulions savoir, par devoir pour les chercheurs de demain, pour tenter, comme je l'ai écrit à la fin de mon ouvrage, de dépasser notre nationalisme chatouilleux, et accepter la coreligionnaire, la concitoyenne, qui a abandonné la Suisse pour venir, chez nous, embrasser l'lslam et adhérer à l'ordre mystique le plus prestigieux du monde musulman, accepter et redécouvrir sereinement l'écrivaine sensible qui, la première, a su poser un regard différent et restituer avec une grande authenticité l'âme des plus humbles Algériens de la période coloniale (pour l'exposé de la réponse à M. Rochd, il est possible de consulter le site http://algerie.x00it.com/fr-Ain-Sefra.htm)
Venons-en au fait :
1 - M. Rochd écrit que, pour moi, “Isabelle se comporte comme une citoyenne française et même... comme un ardent défenseur de l'entreprise coloniale de son pays d'adoption ! Tout cela est affirmé haut et fort sans pour cela être soutenu par des preuves”.
Mais cela est ! Il suffit de revenir à mon texte qui confirme en maints endroits cette attitude de la jeune femme : je mets de côté les interviews recueillis à Aïn Sefra et Beni Ounif et je me rapporte, par exemple, aux termes utilisés dans les textes de la jeune femme du sud oranais (p. 160) : elle donne la parole aux soldats d'origine algérienne (mokhazni, spahis, goumiers, tirailleurs...) pour qui les résistants, avec Bouamama en tête, ne sont que “les voleurs, les bandits, el khian”. Ces collaborateurs “n'éprouvent aucune répugnance à combattre les pillards... Ies coupeurs de routes”. Les Mokhazi “ne parlent que de brigands...”
Ce n'est pas une population en guerre contre l'occupant, non, c'est un “pays sillonné de bandes affamées, tenues comme des troupeaux de chacals guetteurs dans les défilés inaccessibles de la montagne”. Mais c'est dans le domaine journalistique (p. 161) que se révèlent le tournant décisif de la pensée d'lsabelle et l'extrême influence de Lyautey. L'article du 30 novembre 1903 montre l'exemple frappant du journaliste qui outrepasse les limites de son travail, rompt avec l'esprit d'objectivité et devient un simple valet du pouvoir. Isabelle n'est plus l'observatrice impartiale d'une armée étrangère qui s'installe sur un sol défendu par ses habitants. Elle a désormais partie liée avec le camp le plus fort, elle fait du zèle, devient plus royaliste que le roi. L'adjectif possessif le montre bien, Isabelle s'oublie et, comme Lyautey, s'identifie à la France. Elle fait ouvertement le panégyrique du général et l'apologie de la “domination éclairée”. C'est un texte surprenant... un texte qui paraît avoir été dicté par Lyautey lui-même : “...Toutes ces fractions hostiles voient d'un mauvais œil notre installation à Béchar... actuellement, nous sommes obligés de tout faire nous-mêmes, par nos seules forces... seule une organisation rapide des territoires acquis amenant une ère nouvelle de prospérité peut légitimer aux yeux de la raison et de l'équité notre marche en avant dans les régions désertiques... la paix, la sécurité sont les premières conditions de tout progrès...” Je rappellerai ceci : alors qu'elle n'est pas encore française, Isabelle écrit dans sa déclaration de juin 1901 qu'elle a défendu de toutes ses forces “feu le naïb de Ouargla Sidi Mohamed Taïeb, mort glorieusement sous le drapeau tricolore, contre les accusations de quelques musulmans... qui accusaient le naïb d'avoir trahi l'lslam en installant les Français à In-Salah”. Dans son Journalier, à la date du 1er août 1901, elle écrit : “Pourquoi ne suis-je pas partie, comme je le voulais, avec Sidi Mohamed Taïeb, pourquoi ne suis-je pas allée mourir à ses côtés à Timimoun ?”, ce dernier ayant été tué par les résistants algériens alors qu'il était au service de la France. E. Charles-Roux note même qu'il était “vêtu du burnous rouge des aghas qu'il venait tout juste de recevoir des mains de M. Jonnart, avec une croix de la Légion d'honneur”. En avril 1903, dans son texte adressé à la “Petite Gironde”, Isabelle écrit que “partout”, elle s'est “attachée à expliquer à ses amis indigènes... que, pour eux, la domination française est bien préférable à celle des Turcs et à tout autre”. Enf¦n, M. Rochd lui-même, dans son livre (Isabelle Eberhardt... - Enal-Alger-1991), écrit qu'au sujet de la domination française, Isabelle “donne l'impression de ne pas avoir eu une idée bien claire sur le problème... Il y a une série d'écrits — ceux qui devaient constituer son œuvre Impressions du sud oranais — dans lesquels elle semble adopter le point de vue de l'occupant. Ce dernier apporterait la paix et la sécurité, la prospérité à la région conquise face à l'anarchie... Que dire de I'approbation qu'elle semble donner quand un résistant comme Bouamama est traité de "vieux détrousseur, de misérable imposteur, de fils de brocanteur..."
Si Mahmoud... n'a pas compris le vrai sens de la lutte... Même si, lorsqu'elle écrivait sud oranais elle avait compris de quel côté se trouvaient les vrais méfaits... aurait-elle pu le dire ? Je ne le pense pas. De plus, dans cette dernière situation, il ne semble pas qu'elle l'ait compris...” Ces propos ont-ils besoin de commentaires ?
2 - M. Rochd écrit : “Réglons d'abord le compte à la prétendue assertion qui prétend qu'lsabelle était appelée Mahmoud par les gens. Tout dans son œuvre prouve que les contemporains l'ont toujours nommée Si Mahmoud.”
On ne sait s'il y a chicane sur le Si ou sur le féminin de Mahmoud. En tout cas, dans la réalité, les gens, notamment à Aïn Sefra, la nommaient Mahmouda, et même avec une note péjorative. Il est vrai, cependant, que dans les documents, on ne parle que de Si Mahmoud.
3 - M. Rochd écrit : “À propos de son déguisement et de son parler arabe, l'auteur (K. Benamara) soutient : “Elle peut leurrer un Européen mais pas un autochtone. Pourtant Isabelle a bien leurré le cheikh de la zaouïa de Kenadza.”
Je maintiens qu'Isabelle parlait et écrivait un mauvais arabe et qu'elle ne pouvait leurrer un Algérien. J'en ai donné les raisons (p. 98 : sabir laborieux où se mêlent le annabi, le tounsi, le soufi, le dziri..., accent, manie de trébucher sur des mots et certains phonèmes...). Elle n'a pas du tout leurré le cheikh de Kenadza puisqu'il savait parfaitement qu'il recevait, non pas un taleb tunisien (de la frime grossière), mais la femme journaliste dont Lyautey lui avait parlée à Kenadza même lorsqu'il était venu lui rendre visite, un mois auparavant, avec le député d'Oran, Etienne. 4 - M. Rochd qualifie d'affirmation gratuite le passage où je signale que son travestisme mettait Isabelle dans l'impossibilité de fréquenter les mosquées à El Oued.
J'ai écrit (p. 57) qu'à El Oued, Isabelle était dans une situation ambiguë puisqu'on savait que c'était une femme qui fréquentait un spahi. En conséquence, elle ne pouvait prier avec les hommes à cause de sa qualité de femme, ni avec les femmes à cause de son accoutrement d'homme. D'ailleurs, elle ne donne pas de description de mosquées d'EI Oued, comme à Annaba et Alger. Par contre, à Kenadza, Isabelle a fréquenté la mosquée, d'abord parce qu'elle n'avait pas attiré l'attention sur elle, ensuite parce qu'elle vivait en recluse et presque en semi-détention, enfin, parce qu'elle était sous la protection du puissant cheikh de ce petit état théocratique.
5 - M. Rochd a été “choqué” (c'est son terme) en lisant dans mon livre que le comportement excentrique d'lsabelle, ignorante des us et coutumes, perçu comme une attitude provocante, ait contribué, d'une certaine façon, à son agression (p. 109)
Ce que je confirme encore par ce passage : “Tidjanya, aussi bien que certains Qadrya et autres musulmans n'ont pas gobé le fait que cette étrangère aux allures libres, consommant de l'alcool et du kif, courant les dunes à toute heure, fasse partie d'un ordre religieux respectable.”
6 - À propos de la faculté de médecine de Genève qu'lsabelle n'aurait pas fréquentée.
J'ai effectivement écrit qu'lsabelle la fréquentait en sachant pertinemment qu'elle n'y était pas inscrite, puisque la jeune femme n'a même pas été inscrite dans une école primaire. Je voulais dire qu'elle fréquentait les lieux et surtout les étudiants Shalit et Vera, ainsi que le médecin Christidi.
7 - À propos de l'arabe qu'elle aurait appris en 1895 et non en 1894.
Sachant qu'lsabelle a écrit : “Qui aurait dit au mois de janvier 1895, quand nous trimions ensemble... sur les bouquins maghrébins, sur les versions Zouaoua de "Bel...", etc. (cité par E. Charles-Roux, D. O. p. 136), et ayant moi-même sué sur des versions latines, j'en ai déduit qu'elle a commencé à apprendre l'arabe et le kabyle au moins quelque temps avant janvier 1895.
8 - À propos du suicide de Vladimir auquel aurait participé Isabelle.
Je maintiens, comme je l'ai écrit (p. 28), qu'elle était absente. E. Charles-Roux pense de même, qui écrit : “Le désespoir d'lsabelle s'aggravait du fait qu'elle était absente au moment du drame.”
9 - M. Rochd écrit : “L'écriture d'lsabelle ne doit presque rien à Lydia Pachkov.”
Nous notons le mot “presque”. Nul ne peut nier qu'lsabelle se soit inspirée du style de vie et d'écriture de cette personne, même si elle devait, il est vrai, s'en démarquer nettement par la suite.
10 - À propos de l'interdiction par les militaires d'aller à Ouargla dont je n'aurais pas parlée.
Cette remarque n'a aucun sens puisque je reste dans l'expectative en écrivant (p. 48) : “On ne sait si on lui refuse l'autorisation d'aller à Ouargla comme l'écrivent certains auteurs ou si, en s'éloignant de l'Europe et de Delahaye, elle avait changé d'avis en cours de route.” De son côté, Isabelle écrit (cité p. 49) : “Ce soir, si on ne s'y oppose pas, je partirai pour El Oued.”
11 - À propos de la mutation de Slimane à Batna et non à Marseille.
La remarque de M. Rochd n'a aucun sens puisque j'écris (p. 103) qu'il est muté à Batna. Plus tard, il sera muté à Marseille.
12 - M. Rochd écrit : “K. Benamara omet aussi de préciser qu'Isabelle Eberhardt est arrivée à El Oued, en 1899, au crépuscule, moment essentiel…”
La remarque de M. Rochd n'a aucun sens ; il a omis de lire cette phrase (p. 35) : “Elle arrive à la célèbre ville des coupoles juste avant le crépuscule et c'est l'éblouissement.”
13 - À propos de la question de conversion d'lsabelle que j'aurais traitée trop vite.
M. Rochd sait mieux que quiconque qu'il n'y a pas de sources fiables connues pour la traiter autrement. J'ai écrit : “Nous ignorons la date exacte — juillet ? Août 1897 ? — à laquelle Isabelle devint musulmane” à partir du fait qu'au printemps de cette même année, elle a confié, par écrit, à Ali Abdelwahab, sa forte attirance pour l'lslam (pp. 23 et 24). Par ailleurs, tout porte à croire que son texte Silhouettes d'Afrique, paru en mars 1898 (p. 25), et parlant d'un “Mahmoud El Mouskouby, Le Moscovite, étudiant à Annaba... attaché pour jamais à la terre étrange du Dar El Islam”, rapporte, sous une forme romancée, sa conversion.
14 - D'après M. Rochd, Bouamama se révolta parce qu'il savait que les Français allaient s'installer à Aïn Sefra.
Il faut connaître le pays pour savoir que l'aire d'évolution des Ouled Sidi Cheikh, et en particulier celle des Ouled Sidi Tadj, tribu à laquelle appartient Bouamama, est située beaucoup plus au sud d'Aïn Sefra (entre Moghrar Tahtani et Oued Namous). Par ailleurs, voilà ce qu'en disent, en substance, Les Documents... officiels collectés par De La Martinière : I'idée d'une création d'un poste dans le Sud — on hésitait entre Tiout et Sfissifa — a été étudiée, certes, au début de l'année 1881, mais il n'y eut aucune suite. C'est après l'insurrection de Bouamama qu'on reprit l'idée d'un poste permanent avec la prolongation du chemin de fer.
15 - À propos de mon assertion selon laquelle Lyautey pouvait communiquer directement avec le ministre.
La plupart des sources concernant Lyautey parlent de cette exigence du général à pouvoir communiquer directement avec son ministre. Je me contenterai de citer un extrait du livre de A. Maurois (Lyautey - Hachette - Paris - 1939), son contemporain : “Je veux (Lyautey) avoir sous mes ordres tous les services... Je veux... pouvoir correspondre directement par télégramme avec le ministre de la guerre sans avoir à passer par la division d'Oran qui transmettrait à Alger.” Il est fait également mention de télégrammes adressés directement d'Aïn Sefra à Paris dans les Lettres... du général (ex., 31/07/1904)
16 - M. Rochd : “Selon lui (K. Benamara), c'est au cours du rapide voyage de février 1904 que tout a été arrangé entre Lyautey et Isabelle Eberhardt en "ce qui concerne ses futures missions."”
À propos du voyage-éclair d'lsabelle et son directeur, Barrucand, en février 1904, j'ai écrit (p. 189) qu'il est curieux de les voir se taper deux mille kilomètres, plus de quarante-huit heures, dans un train vétuste pour passer deux nuits (à Aïn Sefra et Figuig). Après avoir participé à la réception organisée par Lyautey avec les Beni Guil, ils sont allés, sur recommandation du général, jusqu'à Figuig, cent quarante kilomètres plus au sud, pour “prendre la température” de l'autre côté de la frontière, après le traité signé avec cette tribu marocaine. Cette réunion d'lsabelle avec le général, ainsi que celle de celui-ci avec le cheikh de la zaouïa de Kenadza fin avril 1904 (pp. 191/193) renforcent la conviction que la future mission de la jeune femme a été programmée bien avant le départ d'Isabelle à Kenadza.
17 - M. Rochd s'offusque de mon expression (p. 212) où je qualifie Isabelle de réfractaire, certes, mais réfractaire rentrée dans le rang, au contact de Lyautey. Simplement parce qu'elle avait épousé à fond la théorie du général, ainsi que celle de son directeur libéral, de “domination éclairée”. Elle ne s'en cachait pas d'ailleurs, ni dans ses déclarations ni dans ses entretiens avec les Algériens qu'elle côtoyait (se reporter au premier point ci-dessus pour les déclarations d'lsabelle)
18 - M. Rochd écrit qu'lsabelle “n'a jamais rencontré Girault”.
Ce serait alors Ernest Girault qui ment puisqu'il l'affirme dans son ouvrage (p. 22, passage repris dans mon livre p. 226), à moins que M. Rochd parle d'un Etienne Girault (comme il l'écrit dans son livre, p. 60), lequel n'a jamais existé. J'ajoute (p. 227) qu'il est heureux qu'ils ne se soient pas rencontrés (à Aïn Sefra) car pour Girault, venu spécialement dans le Sud, et il l'écrit en toutes lettres, la révolte des autochtones est une “révolte justifiée”. Là où Isabelle voit paix, sécurité et prospérité, lui ne voit qu'une “exécrable domination” des militaires qui pèsent sur les “tribus affamées et tyrannisées”, des “populations sous la botte du soudard”. On ne peut mesurer I'abîme qui sépare le libertaire sincère de la jeune femme.
19 - Pour M. Rochd, I'idée d'aller au Tafilalet (sud marocain) n'est venue à la jeune femme que lorsqu'elle était à Kenadza, en juillet. Ignore-t-il ou passe-t-il sciemment sous silence l'article de la Dépêche Algérienne du 01/04/04 annonçant qu'lsabelle “s'efforcera de pénétrer au Tafilalet” ainsi que les Notes... (p. 344) de Barrucand, son directeur, qui note qu'elle avait “I'intention de pousser aussi loin qu'elle pourrait et autant que possible jusqu'au Tafilalet” ?
K. B.
Aïn Sefra, le 31/12/08


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