Inscrit sur la liste des «États voyous» par les faucons de la Maison-Blanche, Tripoli pourrait être la prochaine cible de Washington. Mouammar El-Gueddafi a été parmi les premiers dirigeants arabes et musulmans à condamner les attentats du 11 septembre 2001 et à approuver ? implicitement ? les bombardements américains en Afghanistan. Depuis, les services de renseignements libyens ont livré à leurs homologues américains des informations de première main sur les réseaux terroristes, dont celui d'Al-Qaîda. Cette coopération sécuritaire entre Tripoli et Washington a été confirmée, en janvier, par le leader libyen lui-même dans un entretien à l'hebdomadaire américain Newsweek. Mieux : après avoir livré, en 1999, les deux suspects libyens dans l'attentat contre l'avion de la PanAm, survenu en 1988, au-dessus du village écossais de Lockerbie, Tripoli semble disposé à verser des compensations financières d'un montant global de 4,7 millions de dollars pour chacune des 270 familles des victimes. Mais les États-Unis continuent d'exiger de la Libye qu'elle reconnaisse publiquement sa responsabilité dans la catastrophe. Loin de décourager le guide, cette intransigeance américaine l'a, au contraire, incité à mettre davantage d'eau dans son vin. Ainsi, tout en étant officiellement opposé à la guerre contre l'Irak, El-Gueddafi se garde de donner libre cours à son anti-américanisme habituel, réservant ses piques aux dirigeants arabes, ses éternels souffre-douleur. Dernière «capitulation» en date : fin février, Najat el-Hajjaji, ambassadrice de la Libye auprès des instances de l'Onu à Genève, s'est entretenue pendant plus d'une heure avec son homologue israélien Yaacov Lévy. Cette première rencontre officielle entre des représentants des deux pays s'est déroulée dans une ambiance cordiale, et les deux ambassadeurs ont pris congé en se serrant la main, rapporte-t-on à El-Qods. Malgré tous ces gestes de bonne volonté en direction des États-Unis, les faucons de la Maison-Blanche ne lâchent pas leur pression sur la Libye qu'ils continuent d'inclure sur la liste des «États voyous» et qu'ils accusent de vouloir se doter d'armes de destruction massive. La Libye figure, depuis 1979, sur la liste américaine des parrains du terrorisme international, et les deux pays ont fermé leurs ambassades respectives en 1981. La Jamahiriya est frappée par toute une série de sanctions politiques et économiques américaines, notamment un embargo sur les investissements dans les secteurs pétrolier et gazier. Tout en reconnaissant que le soutien libyen au terrorisme international a considérablement diminué et que Tripoli a coupé la plupart de ses liens avec les groupes terroristes, Washington continue de soutenir que le pays d?El-Gueddafi maintient des «contacts résiduels» avec certains de ces groupes, justifiant ainsi le maintien de ce pays sur la liste des pays sponsors du terrorisme. Par ailleurs, la Libye est régulièrement citée, à Washington, parmi les pays arabes où l'administration américaine souhaite provoquer un changement de régime. James Woosley, ancien patron de la CIA, l'a confirmé dans une interview au magazine Al-Watan Al-Arabi. Selon lui, le scénario de la guerre en Irak pourrait être reconduit dans d'autres pays de la région, comme la Syrie, le Soudan ou la Libye. «Les dirigeants de ces pays devraient, en tout cas, s'en inquiéter», avait-il ironisé. Alors faut s?en méfier ? Sachant pertinemment que le leader libyen a toujours su souffler le chaud et le froid, le jeu du chat et de la souris pourrait certainement tourner au profit des américains qui ne demandent pas mieux d?ailleurs.