Résumé de la 2e partie Serafina, la vieille sorcière, défend sa vallée contre la construction du barrage. Du haut de sa montagne elle maudit toute l?Italie. L'ingénieur en chef accélère donc les compromis et paie les terrains trois fois le prix prévu ? qui était bas, de toute façon ? tout cela à cause de cette vieille sorcière butée ! Il faut en finir avec elle, par l'intermédiaire de son fils Francesco : Francesco vit du fromage de ses brebis. Il a une femme, trois enfants, une maison et des terrains dont la vieille lui a fait don de son vivant. Jusqu'à présent, à cause de cela et par respect pour sa mère, il n'a pas voulu vendre. Mais l'idée de l'ingénieur en chef qu'il gardait en réserve est de proposer à Francesco d'être le gardien du futur barrage. Rien à faire qu'à surveiller. Or un barrage n'est pas comme une brebis, ça ne court pas, ça ne tombe pas malade et ça ne meurt pas. Une bonne paie, une maison neuve, l'électricité pour rien, une retraite. L'idée de l'ingénieur devrait convenir à un paresseux, et c'est fait, le fils est d'accord, il vend tout. C'est un coup dur pour la vieille Serafina. A présent, elle est vraiment seule. Elle a beau s'obstiner, de plus en plus tragiquement, ne plus parler à personne et maudire son propre fils, avec sa femme et ses enfants, en 1921, elle est enfin expropriée et les travaux commencent. De temps en temps, le journaliste se ressert de Serafina, maudissant les géologues, maudissant la bétonnière. Ça l'occupe et ses lecteurs ont de quoi lire. A la fonte des neiges de 1923, l'ingénieur en chef Marcello Biandini commande la mise en eau du barrage. Au cours de l'été, peu à peu, le hameau disparaît. Quand le toit de sa maison disparaît à son tour, Serafina maudit le lac, le bras tendu. Et l'on entend, de très loin, ses imprécations en patois. La mort d'un village maudit par la doyenne est une image impressionnante qui fait bon effet dans les journaux. La veille du jour prévu pour l'inauguration, l'ingénieur et le gardien, le fils de Serafina, voient la vieille les maudire tous les deux une dernière fois, avant de se jeter dans le lac du haut du barrage. C'est encore plus impressionnant et cela fait très mauvais effet sur les officiels et sur la presse, prévus pour le lendemain à dix heures. Le fils pleure sa mère et le gardien s'écrie : «Je suis maudit ! Ce barrage est maudit, nous sommes tous maudits !» On dirait bien, en effet. Le lendemain, 2 décembre 1923, à 7 heures du matin, le barrage de Gleno cède sous la poussée de l'eau. La vague emporte trois villages, cinq usines hydroélectriques, huit ponts de chemin de fer et fait six cent vingt-huit morts, dont certains seront retrouvés à 25 kilomètres de là. Dès le lendemain, le magazine publie à nouveau la photo de Serafina maudissant l'ingénieur en chef, sous le titre : «Elle l'a maudit, le barrage a cédé.» Mais quelques mois plus tard, et beaucoup plus discrètement, en petits caractères honteux, le magazine publie l'information suivante : «L'ingénieur en chef Marcello Biandini est responsable de la catastrophe de Gleno : pour compenser les indemnités versées aux montagnards du hameau, il avait économisé sur la qualité du béton.» Quand on est ingénieur, on devrait savoir qu'il ne faut pas jouer les apprentis sorciers !