Alger Le 10 octobre 2003, Ali est assassiné, c?est une douzaine d?enfants affolés qui sont venus apporter la terrible nouvelle. «Tata ! Tata ! Ali, ton fils, a été frappé avec un couteau. Il baigne dans son sang». Les jambes coupées, la maman enfile sa djellaba et se précipite dehors. Guidée par les enfants, elle arrive sur le lieu du drame. Au tournant de la rue, Ali est là, sur son vélo tombé à terre. Il gît dans une mare de sang. La malheureuse pousse alors des hurlements qui ameutent la foule. Dans un ultime geste de secours, elle tente d?arracher la lame de 17 cm plantée dans la tête de son fils. Mais des gens l?en empêchent. quelque 17 cm ont transpercé la tempe pour ressortir par l?autre ?il. Comme s?il avait entendu les appels désespérés de sa mère, Ali entrouvre les yeux et fixe sur elle un regard vide, déjà voilé par la mort. Affolée, elle se tourne vers les curieux : «Evacuez mon fils vers l?hôpital ! Je vous en supplie, faites vite, il va mourir !» Après quelques hésitations, un voisin prend enfin son courage à deux mains pour embarquer le malheureux dans son véhicule, direction l?hôpital. Hélas, il ne sera pas sauvé, les médecins impuissants face à la mort, ne peuvent que constater le décès. Le pauvre ! il était jeune, trop jeune. Il allait boucler ses 17 ans. Encore un crime gratuit, un crime bête tout simplement et qui a fait basculer dans l?enfer deux familles voisines et de condition trop modeste, de ce quartier de Bab El-Oued, deux familles vivant là depuis une vingtaine d?années. Selon la famille et en particulier, la mère de la victime, la genèse de ce drame remonte à 2002, Nabil, 33 ans et sans emploi, remarque sa jeune voisine, 18 ans, qui n?est autre que la s?ur d?Ali. Il somme sa mère d?aller demander sa main. Craignant la colère de son fils, qui est souvent sous l?emprise de psychotropes, celle-ci s?empresse d?accomplir la mission. Elle sera franche avec la mère de la jeune fille : «Mon fils m?a obligée à venir demander la main de votre fille, je suis venue malgré moi, car, et vous le savez, Nabil n'a pas de situation, même pas un sou pour se marier.» De son côté, et voulant éviter le courroux du prétendant, le père refuse la demande prétextant le jeune âge de sa fille. Nabil accuse le coup et se tait. Mais, en réalité, il n?a pas avalé le refus de son voisin. Il ressassera plusieurs mois cet affront. Une année plus tard, soit le vendredi 10 octobre 2003, Nabil est très nerveux. Il était très perturbé, aurait avoué sa mère à qui il aurait dit : «Aujourd?hui, je vais tuer, je tuerai.» Vers 15h 30, Nabil sort de chez lui. Il aperçoit Ali, ouvrier dans le commerce de son oncle, juché sur son vélo. Il le toise, son regard n?annonce rien de bon. Toujours selon la mère, des témoins l?auraient vu se quereller, on ignore la teneur de la querelle, mais vraisemblablement elle était sans gravité. Nassima, 12 ans, s?ur de la victime, dit avoir vu ensuite le futur assassin présumé sortir de leur maison. Il dévalait la rue un poignard à la main. Elle ignorait que c?était vers son frère qu?il courait. Arrivé à hauteur d?Ali ? qui était à vélo ?, il l?aurait attrapé, lui serrant le cou d?une main, il lui planta le poignard dans la tempe. Ali n?aura même pas le temps de réaliser l?agression dont il est victime. Il s?écroule, grièvement blessé, il est évacué vers l?hôpital qui ne fait que constater le décès. La famille est folle de douleur. En quelques secondes, la vie des deux familles a basculé. Quant à l?assassin, redoutant la vengeance de ses voisins, il ira avouer son horrible crime à la police et se constitue prisonnier. Le père et la mère de Nabil sont sous le choc, leur fils vient de faire d?eux des parias dans le quartier. Ils sont désormais et malgré eux les parents d?un meurtrier. Le jour du procès, le 30 novembre 2004, au tribunal d?Alger, Nabil est condamné à 16 ans de réclusion criminelle.