Résumé de la 1re partie Les saints ont des lieux précis où ils se réunissent mais très peu de gens les connaissent. Dans l'Atlas blidéen, il y a aussi la croyance que les saints se réunissent à certaines périodes de l'année pour discuter du devenir du monde : c?est l?assemblée des saints ou le diwân as-salihine. «Les saints, dit-on, n'ont aucun pouvoir de décider de la marche du monde ni du destin des hommes, mais Dieu les tient informés, par les anges, des choses du futur. Ils savent donc ce qui va se passer, quel événement va survenir, qui va naître et mourir, qui va s'enrichir ou s?appauvrir. Ils lisent dans le Grand Livre du destin? Ils ne parlent pas seulement de ce qui va se passer mais aussi de ce qui s'est passé. Ils connaissent tout des gens qui vivent dans les villes et les villages...» Les saints ont des lieux précis où ils se réunissent, mais très peu de gens les connaissent. Certains endroits portent leur nom, telle la ville d'EI-Affroun, située à 19 km de Blida. On connaît dans la région la légende de R'djâl al'Afroun, littéralement «les hommes forts», saints ou génies peuplant les montagnes locales. Le mot 'afrun doit être rattaché à la racine arabe 'FR, exprimant l'idée de force et de violence. De cette racine dérivent des verbes comme 'afara «être fort, être rusé» et des noms comme 'ifrûn «démon» et 'ufrûn «homme fort, homme brave». Selon les témoignages, les saints choisissent en général les lieux escarpés, parce que difficiles d'accès, donc dérobés aux yeux des vivants. Les saints prennent la forme de dévots : burnous blancs immaculés et turbans de Médine. Ils prennent aussi la forme d'oiseaux, pigeons ou colombes, survolant les lieux où ils veulent tenir leur assemblée. Leurs lieux de prédilection sont les cabanes de bergers ou les mausolées abandonnés mais ils peuvent aussi choisir des clairières, des rochers, des arbres aux formes caractéristiques : vieux oléastres (les zebboudj sacrés), cèdres, pins? Ces lieux, dans la forêt ou la montagne, inspirent toujours une crainte très forte quand on passe à proximité : «On est pris, disent les témoins, par une sorte de peur, mêlée de crainte. ll n'y a aucun danger apparent mais on se sent cerné de toutes parts, on a I'impression que les arbres et les buissons bougent, que quelque chose d?extraordinaire va brusquement surgir...». Même les animaux de la forêt, pourtant bruyants, semblent être pris par cette crainte. Les oiseaux, qui remplissent l'air de leurs gazouillis, les lièvres qui font frémir les buissons, les sangliers qui, d'habitude, déboulent avec fracas des montagnes, tout se tait brusquement, comme pris de respect devant le surnaturel. «Les saints arrivent, les saints sont là, ils vont tenir leur assemblée...» «Alors, il ne faut pas bouger, il ne faut pas faire de bruit, il ne faut pas les déranger !» et que se passe-t-il si on les dérange ? Les saints, qui ne sont jamais agressifs, manifestent leur mécontentement par quelque bruit ou alors quittent les lieux, pour aller dans un endroit plus paisible. Les saints eux-mêmes respectent les lieux où ils se réunissent. Il faut s'approcher pour les écouter parler ou alors psalmodier le Coran ! «IIs ont des voix très douces et très prégnantes, qui attirent ceux qui les entendent». (à suivre...)