Société Ils sont nombreux à écumer les villes de Kabylie. Qu?ils s?appellent Moussa, Amino ou autre, ils sont tous animés du même courage et sobriété. Qui sont-ils ? D?où viennent-ils ? Où logent-ils ? Combien gagnent-ils ? Autant de questions que l?on se pose lorsqu?on «zoome» sur ce phénomène d?immigration nouveau qui est devenu, ces dernières années, une partie du décor kabyle. Ce sont des Africains du Niger, âgés entre vingt et trente ans. Ils ont traversé tout le Sahara algérien et deux chaînes de montagnes pour élire domicile au piémont du Djurdjura à la recherche de quelques subsides au moyen d?un commerce atypique, maigre et identique. Qu?ils soient assis, à genoux à la manière des talebs de zaouïas ou sur leur séant, adossés à un mur, pieds nus ? les chaussures rangées avec soin de côté ? ils adoptent tous la même attitude de calme, de patience et de sobriété en contemplant passivement la vie qui bouillonne juste devant eux dans les rues, sur les trottoirs. Et lorsqu?un passant s?arrête et se penche ou s?accroupit devant eux, ils s?empressent de le renseigner ou de le servir. Ils vendent tous le même produit atypique constitué de parfums exotiques dans de petits flacons en verre, des boîtes d?excipients et de crèmes, des espèces de cailloux et de poudres de toutes sortes et de toutes les couleurs, des bâtonnets aux vertus hygiéniques ou thérapeutiques, des colliers, des bagues, des bracelets. Et toute cette panoplie de marchandises est exposée sur un tissu rouge étalé à même le trottoir sur une bâche en plastique. A Azazga, une petite ville commerçante à 35 km à l?est de Tizi Ouzou, on en voit quelques-uns presque tous les jours, mais ce sont les samedis, jours de marché hebdomadaire, qu?ils arrivent en force pour squatter des pans de trottoirs aux abords du souk, mais également un peu partout dans la ville qui grouille de monde. Moussa, l?un d?eux, âgé de 26 ans, est un habitué du marché hebdomadaire d?Azazga. Souriant, il parle couramment l?arabe et il balbutie également quelques mots de kabyle. Il dit qu?il est du Niger et qu?il ne se plaint pas de sa petite activité. Il est là depuis quatre mois et son approvisionnement en marchandise se fait par quelqu?un d?autre qui fait le va-et-vient entre son pays et l?Algérie. Et entre deux réponses, avec le même ton aimable et commerçant à des clients potentiels, il avoue qu?il vient ici tous les deux ans à tour de rôle avec son frère, car là-bas, au Niger il étudie le Coran dans une école islamique. Amine, 24 ans est un autre Nigérien chétif, mais sympathique qui parle un arabe moins bon que Moussa et il dit, lui aussi, qu?il gagne sa vie «l-hamoudillah». Quant à son approvisionnement, il révèle que c?est lui qui se rend au Niger tous les quatre ou cinq mois. Amine, comme son compatriote Moussa, s?est prêté volontiers au jeu des questions réponses, il séjourne à Boghni (une petite ville à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Tizi Ouzou et loge dans un hôtel à 100 DA la nuit. Ainsi est la vie de ces immigrants de genre nouveau venus de l?autre côté du Sahara. Des jeunes gens pleins de courage, de sobriété et d?endurance qui ont traversé le désert dans l?espoir de gagner leur vie honnêtement.